Publié le 19 mai 2020

ENTREPRISES RESPONSABLES

La crise du Covid pousse l'Union européenne à accélérer sur le devoir de vigilance

L’union européenne devrait se doter d’une réglementation contraignante sur le devoir de vigilance des donneurs d’ordre vis-à-vis de leurs sous-traitants d’ici 2021. C’est ce qu’a annoncé le commissaire européen à la Justice, Didier Reynders, fin avril. Si le sujet était déjà dans les cartons, la crise du Covid-19 a mis en lumière l’importance d’un meilleur encadrement des chaines de valeur devenues de plus en plus complexes et mondialisées.

Chaine appro novethic big
La crise du Covid19 a montré le besoin d'encadrement des chaines d'approvisionnement, notamment en matière de respect des droits humains
@BIG/Novethic

Adoptée dans la douleur en 2017, la loi sur le devoir de vigilance française qui demande aux grands donneurs d’ordre de cartographier et de prévenir les risques pesant sur les droits humains sur toute leur chaîne d’approvisionnement fait désormais figure d’exemple à suivre. Le 29 avril, le commissaire européen à la Justice Didier Reynders a annoncé que l’Union européenne élaborerait d’ici l’an prochain une proposition législative qui s’inspire de l’esprit du texte français.

La proposition, déjà dans les cartons, a pris une acuité nouvelle avec la crise du Covid-19. Elle pourrait donc être intégrée au Green Deal ou au plan de relance européen. La pandémie "a douloureusement mis en évidence les vulnérabilités de notre économie et des chaînes d'approvisionnement mondiales non réglementées, souligne Didier Reynders. Les conséquences sont désastreuses pour les travailleurs, notamment en bout de chaîne, documente le CCFD-Terre Solidaire dans un rapport.

"Les entreprises ayant de meilleurs processus d'atténuation des risques dans leurs chaînes d'approvisionnement causent moins de dommages et résistent mieux à la crise. Nous devons donc nous assurer que cette conduite responsable devienne la norme, une orientation stratégique pour les entreprises", assure le commissaire européen. 

Un devoir de vigilance étendu et contraignant

Nous en sommes loin : un tiers seulement des entreprises européennes réalise une diligence raisonnable sur l’ensemble des droits humains et 16% vont au-delà des fournisseurs de rang 1, montrant le peu d’efficacité de la seule incitation, selon une étude du British Institute of International and Comparative law (BIIC). Il faudra donc "soutenir et protéger les entreprises dans cette transformation", ajoute Didier Reynders.

Selon les premiers éléments distillés par le commissaire européen, le devoir de vigilance toucherait tous les secteurs d’activité, toutes les tailles d’entreprises et toute la chaîne d’approvisionnement, sur l’ensemble des droits humains (sociaux et environnementaux). Le règlement européen s’imposerait immédiatement aux États et s’inscrirait dans une logique de résultat, sanctions à l’appui. "Cela obligera clairement les entreprises à renforcer leurs programmes de conformité et à se concentrer davantage sur ces questions pour leur chaîne d'approvisionnement et d'autres relations commerciales, comme les fusions/acquisitions et les accords de financement", souligne le cabinet en conseil juridique Norton Rose Fulbright.

Des acteurs économiques et financiers de plus en plus convaincus

L’annonce a été saluée par les ONG comme la European Coalition for Corporate Justice (ECCJ) qui y voit un "jalon important" pour imposer des "règles contraignantes en matière de responsabilité des entreprises". Mais, elles ne sont plus seules. Récemment, une centaine d’investisseurs représentant 5 000 milliards de dollars d’actifs sous gestion ont appellé les États à s’entendre pour un devoir de vigilance contraignant au niveau mondial. Des gouvernements européens travaillent d’ailleurs à la mise en place d’une telle législation, comme l’Allemagne, qui a apporté son soutien à Didier Reynders.

De fait, le contexte a changé, expliquait Dominique Potier, député socialiste qui a porté la loi française, lors de la remise des prix du meilleur plan de vigilance FIR-A2 Consulting, en janvier dernier. "Alors que le patronat s’était fortement mobilisé contre la loi française, les entreprises expliquent désormais comment celle-ci leur a permis de conquérir des marchés", décrit-il. Il faudra tout de même convaincre les récalcitrants, au premier titre duquel Business Europe, le Medef européen, dirigé par l’ancien patron des patrons français, Pierre Gattaz.

Béatrice Héraud, @beatriceheraud



© 2023 Novethic - Tous droits réservés

‹‹ Retour à la liste des articles

ENTREPRISES RESPONSABLES

Entreprise responsable

Actualité nationale, européenne et mondiale quotidienne de la Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE).

Remuneration dirigeant paie Scott Graham unsplash

RSE : la rémunération des dirigeants de plus en plus indexée sur le climat… mais avec peu d’effets

Les patrons des grandes entreprises européennes doivent de plus en plus rendre des comptes sur leur politique climatique. La majorité des 50 plus grands groupes européens ont mis en place des critères sur les émissions de gaz à effet de serre dans le calcul de la rémunération de leurs dirigeants....

Lush marque cosmetique tourne le dos aux reseaux sociaux

Lush quitte les réseaux sociaux pour préserver la santé mentale de sa communauté

Santé mentale, dépendance, image de soi… Les impacts négatifs des réseaux sociaux sur les utilisateurs sont multiples et concernent autant les plateformes en elles-mêmes que les entreprises qui les placent au cœur de leur communication. Une problématique prise à bras le corps par la marque de...

Classement RSE iStock Svetlana Kachurovskaia Lanpochka 01

Decathlon, Blablacar, Carrefour… découvrez les champions de la RSE selon les jeunes diplômés

Ce sont les entreprises les plus engagées sur la RSE, selon les étudiants et jeunes diplômés. Carrefour, Blablacar et Decathlon composent le podium de la deuxième édition de l'index RSE d'Universum. Si en tant que candidat, les jeunes sont plus attachés aux engagements sociaux qu'environnementaux,...

ESG RSE istock

Crise de la fonction RSE dans les entreprises sommées de radicaliser leur transformation

La RSE doit-elle être radicale ? Cette question brûlante a été posée aux invités de l’Orse, l’Observatoire de la Responsabilité Sociale des Entreprises, lors d’un débat organisé pour ses vœux. Elle porte deux dimensions : la première est de s’interroger sur la capacité des directeurs RSE à affronter...