Publié le 30 septembre 2014

ÉNERGIE

Transition énergétique : le compte n’y est pas encore, selon les ONG

Demain, les députés examineront le projet de loi sur la Transition énergétique. Portée par Ségolène Royal, cette loi va-t-elle vraiment permettre à la France d’atteindre les objectifs qu’elle s’est fixés en matière d’efficacité énergétique ? Les ONG en doutent : l’aiguille de leur "transitiomètre" atteint péniblement les 30%. Cet outil de mesure, développé par une coalition d’organisations spécialisée dans la transition énergétique, évalue la capacité du projet de loi à atteindre les engagements de la France sur plusieurs fronts, allant du climat à la justice énergétique, en passant par le nucléaire, les transports ou les bâtiments.

Photo d'illustration
© Assemblée Nationale

Elle est présentée comme "une formidable chance", comme une loi qui "va changer la vie des Français" et favoriser un "changement de modèle" par la ministre de l’Ecologie, Ségolène Royal(1). Mais la "loi de programmation sur la transition énergétique pour une croissance verte", qui sera examinée dès ce mercredi 1er octobre par les députés, va-t-elle vraiment permettre d’atteindre les objectifs chiffrés que s’est fixés la France ?

Pour l’instant, il est permis d’en douter. C’est en tout cas le constat que l’on peut tirer du "transitiomètre", l’outil développé par une coalition d’organisations spécialisée dans la transition énergétique (Réseau Action Climat France et le CLER, le Réseau pour la transition énergétique) avec le cabinet néerlandais Ecofys. Il est destiné à évaluer la capacité de la loi à répondre aux engagements du gouvernement sur le climat et la transition énergétique. Neuf thématiques, allant du climat à la justice énergétique, en passant par le nucléaire, les transports ou les bâtiments, sont évaluées. Leur note (de 0 à 100%) dépend de la prise en compte par le projet de loi des mesures politiques et financières nécessaires à la réalisation des engagements (voir la méthodologie). A 0%, le projet de loi ne contribue pas du tout à remplir les engagements pris. À 100%, il permet à la France de les atteindre pleinement.

Sur une échelle de 0 à 100, le curseur global est actuellement placé à 30. C’est trop peu. Mais il a déjà fait un bond de 10 points par rapport à son niveau initial à la suite du premier examen de la commission spéciale. Celle-ci, composée de 70 députés de tous bords issus des Commissions Développement durable et Affaires économiques, s’est réunie ce week-end pour examiner plus de 2000 amendements !

 

Le bâtiment, un secteur crucial

 

Cette progression est notamment portée par le bâtiment, qui profite du vote des mesures législatives d’amélioration, selon Anne Bringault, chargée de la coordination sur la transition énergétique pour les ONG et associations (CLER et RAC). Dans ce domaine, le transitiomètre est passé de 18 à 38% pendant le week-end. Les députés ont en effet voté l’objectif d’un parc immobilier entièrement rénové aux normes "bâtiment basse consommation" (BBC) à l’horizon 2050, ainsi que l’obligation d’une rénovation des bâtiments privés résidentiels de classes F et G de performance énergétique dès 2030. De quoi donner à la France quelques moyens supplémentaires pour atteindre les objectifs de réduction de la consommation d’énergie primaire du secteur résidentiel de 38% en 2020 par rapport à 2009.

Autres avancées ce week-end : le vote d’une nouvelle procédure d’autorisation (avec enquête publique, notamment) pour le prolongement des activités des centrales nucléaires à la 35e année de fonctionnement et l’extension des permis uniques à toutes les régions pour les projets de production d’énergies renouvelables.

Le transport, grand oublié du texte


Mais d’autres secteurs sont à la peine. Dans les transports par exemple, le transitiomètre est bloqué à 12%. Ce secteur est pourtant le premier émetteur de gaz à effet de serre en France (27% en 2011). Atteindre l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 20% en 2020 est actuellement impossible. "Le projet de loi est déjà relativement faible sur ce sujet et les députés ont fait très peu de propositions liées aux transports en commun, à l’étalement urbain ou au fret. Par ailleurs, les agrocarburants (sans distrinction de génération pour l'instant, ndlr) ont fait une entrée en force dans la définition du véhicule propre", regrette Anne Bringault. .


Du côté des objectifs d’efficacité énergétique dans l’industrie, le compteur est également dans le rouge. Aucun objectif de réduction de la consommation d’énergie finale n’est prévu pour ce secteur. "C’est presque incompréhensible dans un contexte où le Medef prononce le mot compétitivité dans chaque phrase. L’amélioration de l’efficacité énergétique est justement un facteur de compétitivité et elle est même source d’opportunité pour de nombreuses sociétés qui ont misé sur ce créneau", souligne Anne Bringault. Les ONG espèrent notamment voir les députés adopter en plénière un amendement permettant de rendre obligatoire la mise en œuvre des recommandations des audits énergétiques à partir de 2017 pour les grandes entreprises et 2019 pour les PME.


Car le jeu est encore ouvert. Les députés qui vont examiner en séance plénière le projet de loi à partir de ce mercredi vont pouvoir faire grimper le transitiomètre. Si la dernière journée d’examen de la commission spéciale a été un peu ternie par la désertion des députés de l’opposition (UMP et UDI), qui ont ainsi voulu exprimer leur désaccord concernant la procédure d’examen accélérée du projet de loi, "les débats de la Commission ont été de bonne qualité et constructifs", salue Anne Bringault.
 
(1) Propos tenus lors du "Grand Rendez-Vous" Europe 1/Le Monde/I>Télé du 28septembre 2014.

Béatrice Héraud
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