Publié le 04 août 2023
ÉNERGIE
Nouvelles licences d'exploitations d'hydrocarbures : le climat, "victime collatérale" des élections législatives au Royaume-Uni
Un tollé outre-Manche. Alors que le Royaume-Uni faisait jusqu'ici figure de leader en matière climatique, le Premier ministre britannique Rishi Sunak vient d’accorder une centaine de nouvelles licences d’exploration et d’exploitation pétrolières et gazières en mer du Nord. Des actions qui ne coïncident pas avec les promesses, provoquant la colère des militants écologistes.

Greenpeace UK
Une colère noire. Jeudi 3 août, des militants de Greenpeace ont recouvert de draps noirs une des propriétés du Premier ministre britannique Rishi Sunak dans le nord du pays. La raison ? Ils protestent contre l’octroi de nouvelles licences pétrolières et gazières en mer du Nord en début de semaine par le gouvernement.
Avec cette annonce, Rishi Sunak s’oppose ainsi frontalement aux Travaillistes, donnés largement en tête des prochaines élections législatives en 2024, et se présente en défenseur des Britanniques, "victimes" du coût des politiques vertes et de l’inflation. À l’inverse, le Labour Party a annoncé qu'il mettrait fin à ces nouvelles licences, si elle remportait les élections. Pour une fois au moins, le climat est au centre du débat politique.
Une offensive pro-hydrocarbures
Le locataire du 10 Downing Street assure que ces centaines de nouvelles licences doivent permettre d’assurer la sécurité énergétique du Royaume-Uni. "Nous avons vu comment Poutine a manipulé et utilisé l’arme de l’énergie, interrompant l’approvisionnement et réduisant la croissance économique des pays", explique Rishi Sunak. Ajoutant qu’"il est plus que jamais vital que nous renforcions notre sécurité énergétique et capitalisions sur cette indépendance pour procurer de l’énergie plus abordable et propre aux foyers et entreprises britanniques".
Loin d’y voir une contradiction, le Premier ministre a assuré que l’exploitation de ces ressources fossiles britanniques aidera le pays à atteindre la neutralité carbone, promise pour 2050. Et ce, tandis qu’un quart de ses besoins en énergie proviendra du pétrole et du gaz. Il compte pour cela s'appuyer sur les techniques de capture et stockage et du CO2 (CCS), dévoilant ses premiers sites en mer du Nord. Le Royaume-Uni, où plus de 330 millions de tonnes de CO2 ont été émises en 2022, compte capter et stocker 20 à 30 millions de tonnes de CO2 annuellement d'ici à 2030.
Or, selon Greenpeace, cette technologie encore très immature est "souvent utilisée pour du greenwashing" par les géants des énergies fossiles. L’ONG britannique dénonce également un "stratagème politique cynique", dont "le climat est un dégât collatéral". "Alors que les incendies et les inondations dévastent habitations et vies à travers le monde, le gouvernement de Rishi Sunak a décidé de reculer sur des politiques clé sur le climat", a critiqué Philip Evans, responsable climat chez Greenpeace Royaume-Uni.
Un mauvais signal envoyé au reste du monde
Deux ans après avoir accueilli le monde entier lors de la COP 26, Rishi Sunak envoie de nouveau un mauvais signal au reste du monde. En décembre dernier, le gouvernement britannique avait déjà provoqué un tollé en approuvant un projet souterrain de mine de charbon, dans le comté de Cumbria (nord-ouest de l'Angleterre), premier projet de ce type en trente ans dans le pays. Elle devrait fonctionner jusqu’en 2049 et servirait non pas à produire de l’électricité mais à alimenter l'industrie de la sidérurgie.
Le leadership climatique acquis par le Royaume-Uni risque d'en prendre un sérieux coup alors que le pays est engagé dans plusieurs partenariats de transition énergétique juste avec le Sénégal, l’Afrique du Sud et l'Indonésie pour aider ces pays à sortir des énergies fossiles. Faites ce que je dis mais pas ce que je fais.
Blandine Garot avec AFP