Les électeurs de Rhénanie-du-Nord-Westphalie (ouest de l’Allemagne) sont appelés aux urnes ce 14 mai. Cette échéance électorale est critique pour le climat car ce Land est le bastion historique de l’industrie des fossiles dans le pays. Le résultat sera déterminant pour que le prochain gouvernement régional puisse défaire les liens ténus entre les industriels du charbon et la sphère politique régionale. Mais au-delà de la Rhénanie-du-Nord-Westphalie, il s’agit bel et bien de donner l’impulsion politique décisive pour faire sortir toute l’Allemagne du charbon
Le Land est actuellement dirigé par une coalition entre les sociaux-démocrates (SPD) et les écologistes (Bündnis 90/Die Grünen). En 2013, ils ont lancé ensemble un "plan climat régional". C’est un premier jalon pour engager ce désengagement du charbon. Mais "si les sociaux-démocrates perdent aux prochaines élections régionales et se retrouvent dans l’opposition, le risque est grand de les voir torpiller ces discussions et montrer une franche opposition", explique Arne Jungjohann, analyste politique sur les questions d’énergie (1).
Le poids de la Rhénanie-du-Nord-Westphalie
Un coup d’arrêt à la sortie du charbon dans ce Land affecterait la politique énergétique nationale. Cela tient à la structure fédérale de l’Allemagne. Les 16 Länder, qui composent le pays, sont représentés à la chambre haute. Certains Länder sont plus influents que d’autres, en raison de leurs poids économiques et de leurs populations. C’est le cas de la Rhénanie-du-Nord-Westphalie. Avec ses 18 millions d’habitants, il est le Land le plus peuplé d’Allemagne (81 millions d’habitants).
Par ailleurs, le charbon compte encore pour 75 % du mix électrique de ce Land, qui est le berceau industriel du pays. Les renouvelables ne répresentent qu’un peu plus de 10 %, largement en-dessous de la moyenne nationale (29 %). Cette omniprésence du charbon a son coût carbone : le Land émet à lui seul presque 1 % des émissions annuelles de CO2… de la planète !
Jurassic Park
"Traditionnellement, en Rhénanie-du-Nord-Westphalie, les liens entre le SPD et l’industrie du charbon sont très forts", explique Arne Jungjohann. Fermer les centrales à charbon signifie aux yeux des élus des pertes d’emplois et, par ricochet, une perte d’influence politique. "Sauf si le SPD gagne les prochaines élections et peut s’asseoir d’égal à égal à la table des négociations avec d’autres partenaires pour enclencher la sortie du charbon", précise-t-il.
Le SPD pourrait alors s’appuyer sur le plan climat de l’Allemagne, le "Klimaschutzplan", qui prévoit la création en 2018 d’une commission destinée "à soutenir les mutations structurelles" des régions minières, selon la formulation du Ministère de l’économie et de l’énergie. Pour l’expert, la création de cette commission est l’amorce d’une mise à l’arrêt de l’industrie charbonnière.
Un autre signal fort de ce désengagement possible est la création d’un marché de capacité. Ce mécanisme prévoit la mise à l’arrêt de huit centrales à charbon dans les quatre prochaines années. Elles ne doivent être relancées qu’en cas de menace de black-out. Un scénario très peu probable en raison de la surproduction d’électricité en Allemagne. Le parc des huit centrales à charbon est surnommé "jurassic park" dans les bureaux du Ministère de l’économie et de l’énergie, et personne ne s’attend pas à ce qu’elles fonctionnent de nouveau un jour après leurs mises à l’arrêt.
(1) Il est le co-auteur de l’ouvrage "Energy Democracy", qui retrace la genèse de la transition énergétique allemande.