Publié le 31 mai 2017
ÉNERGIE
Depuis 3 ans, la consommation de charbon recule… mais trop peu pour préserver le climat
Chine, Royaume-Uni, États-Unis… Autant de pays où la part du charbon a massivement diminué en 2016. Mais ce combustible reste la première énergie du G20. Et la baisse des émissions de CO2 liée à la croissance et à la production d’énergie est loin de permettre la limitation du réchauffement climatique en dessous de 2°C, selon les dernières données d’Enerdata.

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Mardi 30 mai, le cabinet de conseil Enerdata publiait son bilan énergétique mondial annuel pour l’année 2016. La bonne nouvelle est que, pour la troisième année consécutive, la consommation de charbon baisse. "Du jamais vu", assure Nathalie Desbrosses, chef du département de recherche. Son recul est notable pour le G20 : -4 % entre 2015 et 2016.
Quatre pays tirent cette tendance. Les États-Unis en premier lieu où la montée en puissance du gaz se poursuit. Le charbon s’est replié de 9 % l’année passée. "Le pays a fermé 15 GW de centrales à charbon en 2015 et 7 GW en 2016", rappelle Nathalie Desbrosses. Cependant, selon le Department of Energy, cette dynamique pourrait ralentir. Les experts de l’administration américaine anticipent une remontée des prix du gaz de 80 % entre 2016 et 2020. Ce, sans compter la volonté de Donald Trump de dynamiser le secteur charbonnier en pleine crise.
Charbon, première énergie du G20
L’effort vient aussi de la Chine. Pékin a fait baisser sa consommation de près de 5 % en chassant le charbon des villes. L’Allemagne et le Royaume-Uni ont également diminué leur recours à ce combustible fossile. Cependant, il ne faut pas forcément y voir qu’une vertu environnementale. Cette transition est en grande partie due à la hausse des cours du charbon en 2016, de 10 à 14 % selon les marchés. Le responsable en est la Chine qui a fermé 250 millions de tonnes de capacités minières en 2016 (du charbon de mauvaise qualité) et prévoit de fermer 500 millions de tonnes supplémentaires d’ici 2021.
Mais attention, cette bonne nouvelle doit être relativisée. Au total, le charbon reste la première énergie du G20. Elle compte pour près de 35 % de son mix énergétique, devant le pétrole et le gaz. "Même si l’écart avec le pétrole se resserre", veut se consoler Nathalie Desbrosses. C’est aussi la première énergie du mix énergétique chinois avec plus de 60 %. En revanche, en Europe et aux États-Unis, il est passé sous la barre des 15 %.
La baisse du recours au charbon a un effet sur les émissions. Malgré une hausse de la consommation énergétique de 0,9 % en 2016 au niveau mondial, les émissions de CO2 sont restées stables à 26 gigatonnes (après une baisse de 0,8 % en 2015). Cela traduit une amélioration globale de l’intensité énergétique (le rapport de la consommation d’énergie sur le PIB). À l’exception de la Russie et du Brésil en crise économique, toutes les grandes puissances du monde l’ont abaissé.
Inde, Brésil, Allemagne et Japon, les mauvais élèves
"Mais la décarbonation du secteur énergétique reste très lente", constate Pascal Charriau, Président d’Enerdata. Le facteur carbone (rapport des émissions de CO2 par unité d’énergie produite) baisse très peu. Pire, il a même cru dans certaines économies majeures de la planète sur la période 2010-2016. Comprendre : elles émettent de plus en plus de CO2 par unité d’énergie produite. C’est le cas de l’Inde qui a mis en service plus de 14 GW de charbon uniquement l’année passée.
Quand bien même "il s’agit de centrales à haut rendement, le charbon qui y est brulé est de très mauvaise qualité", déplorent les analystes d’Enerdata. Le Brésil est également au rang des mauvais élèves. Ces dernières années, le pays a vu ses capacités hydrauliques réduites à cause de la sécheresse. Il doit donc recourir massivement à son parc de production thermique.
Le Japon est évidemment mal noté avec la mise à l’arrêt d’une vaste partie de son parc nucléaire depuis l’accident de Fukushima en 2011. Par corolaire, l’Allemagne voit aussi son facteur carbone se dégrader puisque Berlin a stoppé la moitié de ses centrales dès la catastrophe nipponne. La perte de production a été compensée par le gaz et le charbon, malgré l’essor rapide des renouvelables.
"Avec une croissance du PIB mondial de 3 % (+2,6% en 2016, Ndr), il faut réduire l’intensité carbone de 5 à 6 points par an pour respecter un scénario de réchauffement à 2°C", calcule Pascal Charriau. "Aujourd’hui, la baisse n’est que de deux points en moyenne dans le monde. Les efforts à fournir ne se sont encore jamais vu globalement. Seuls la Chine et le Royaume-Uni ont réussi à atteindre ce niveau", explique-t-il.
Ludovic Dupin, @ludovicdupin