Publié le 29 juin 2018
ÉNERGIE
Programmation pluriannuelle de l’énergie : un débat de trois mois pour rien ?
Le débat public sur le feuille de route énergétique française touche à sa fin ce week-end. L’heure est au bilan mais aussi aux inquiétudes alors qu’une première version du texte est attendue pour la mi-juillet... alors que les débats de ces trois derniers mois n’auront pas encore été restitués de façon formelle.

@Débat public PPE
On l’attendait houleux et centré sur le nucléaire. Le débat public sur la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) se sera fait sans débordement et aura été diversifié, assure Jacques Archimbaud, président de la commission du débat sur la PPE. Après trois mois de discussions, une centaine de débats en région, douze ateliers de controverse filmés, 111 cahiers d’acteurs, 474 avis déposés, mobilisant au total 20 000 citoyens et 44 000 visiteurs sur le site, l’heure est au bilan.
Et le constat fait consensus : tous les participants fustigent le retard de la France en matière énergétique et l’illisibilité et le manque de cohérence des politiques publiques ne permettant pas d’informer correctement le consommateur. Ce que vient confirmer l’avis du Cese (Conseil économique, social et environnemental) qui estime que la France n’est pas sur la bonne trajectoire et que c’est le deuxième pays européen le plus en retard en termes d’énergies renouvelables par rapport à ses objectifs.
"Le jugement d’ensemble est clair : il faut accélérer tous ensemble, résume Jacques Archimbaud. L’impression que les meilleures pratiques ne sont pas diffusées suffisamment et qu’elles sont généralisées trop lentement, que les formations ne suivent pas et que les acteurs sont trop dispersés, est revenue souvent."
Sortie de l’ambiguïté sur le nucléaire
Bien que le nucléaire n’ait pas occupé dans le débat la place excessive qu’on lui prédisait, c’est sans doute le sujet qui aura tout de même suscité le plus de polémique. Parmi les personnes interrogées, ceux qui connaissaient la PPE proposent que l’objectif de 50 % de nucléaire dans le mix électrique soit reporté de dix ans, à 2035. Ils sont également favorables à l'ouverture d'un EPR et s'opposent à des fermetures de réacteurs autres que Fessenheim.
Le reste des citoyens, et en particulier le G400, ce groupe de 400 Français tirés au sort et sensibilisés au sujet, pense qu’il faut maintenir la date de 2025 ou au plus tard 2030 pour abaisser la part du nucléaire. Ils sont par ailleurs favorables à la fermeture de réacteurs et opposés à l'ouverture d'un nouvel EPR. "Il ressort clairement que le texte de la PPE devrait comprendre un échéancier net et des procédures claires de fermetures de réacteurs, note le président du débat public. Clarté, sortie de l’ambiguïté, ces mots ont été prononcés maintes et maintes fois."
Dans une tribune publiée jeudi 27 juin dans Le Monde, 100 députés LREM demandent également que soit fixée dans la PPE une date pour la réduction à 50 % du nucléaire. Ils veulent également une "loi-cadre tous les cinq ans et non un simple décret pour la PPE pour réactualiser l’avenir énergétique de la France" avec la mise en place d’un comité de suivi.
Devoir d’écoute
Reste à savoir dans quelle mesure tout ce travail de concertation, résumé dans un rapport attendu pour septembre, sera pris en compte dans la décision publique alors qu’une première version de la PPE est annoncée pour mi-juillet. "Prenons le temps d’écouter la parole citoyenne, rappelle Chantal Jouanno, la présidente de la Commission nationale du débat public (CNDP). Il doit être un temps de pause dans la décision publique."
"Le dialogue doit être assorti d’un devoir d’écoute, a tenu à rassurer Nicolas Hulot, ministre de la Transition énergétique. J’ai cette cruelle conscience que si cette PPE se fait hors-sol, nous aurons manque l’exercice alors qu’il y a une fenêtre d’opportunités qui nous amène a une certaine responsabilité dont j’essaierai d’être le garant. Nous ne sommes pas à une semaine près, on peut commencer à donner des orientations et les travaux de la PPE continueront."
"C’est une erreur de ne se focaliser que sur le nucléaire. Le report de 50 % du nucléaire est une décision qui m’a pesé, quoi qu’en pensent ceux qui disent que c’est une énorme couleuvre que j’aurai avalée. La transition ne se fera pas au forceps. Il faudra prévoir une date et programmer des tranches, mais ça ne se fait pas au doigt mouillé. Si je suis ministre j’espère que j’aurai mon mot à dire, même si j’en doute parfois…", a-t-il ajouté.
Concepcion Alvarez, @conce1