Publié le 27 octobre 2023

ÉNERGIE

Déchets nucléaires à Bure : pourquoi la décision du Conseil constitutionnel est jugée "historique"

C’est un serpent de mer. Depuis une vingtaine d’années, le projet Cigéo qui prévoit l’enfouissement profond des déchets nucléaires les plus radioactifs de l’Hexagone, fait polémique. Ce 27 octobre, le Conseil constitutionnel l’a déclaré conforme à la Constitution tout en reconnaissant "en des termes inédits" le droit des générations futures à un environnement sain. 

Dechets nucleaire iStock Jumbo2010 01
La mise en œuvre du projet Cigeo a été jugée conforme à la Constitution.
@Jumbo2010

"C’est une avancée historique", s’enthousiasment les 14 associations dont Greenpeace, France Nature Environnement ou encore le Réseau "Sortir du nucléaire" à l'origine de la saisine du Conseil constitutionnel. De fait, l'opposition au centre d'enfouissement Cigéo des déchets hautement radioactifs à Bure (Meuse) a fait émerger un nouveau principe de droit français : l'obligation de préserver le droit des générations futures à vivre "dans un environnement équilibré et respectueux de la santé" consacré vendredi 27 octobre par le Conseil constitutionnel.

Trois ans après avoir jugé que la protection de l'environnement ne s'arrêtait pas aux frontières, les Sages sont allés plus loin, en affirmant "en termes inédits" que "le législateur doit veiller à ce que les choix destinés à répondre aux besoins du présent ne compromettent pas la capacité des générations futures et des autres peuples à satisfaire leurs propres besoins".

Le Conseil d'État devra trancher

"Cette décision ne signifie absolument pas que le projet Cigéo, dans sa globalité, est autorisé", estime le collectif d’associations, qui reste "optimiste" et déterminé à contester la déclaration d'utilité publique (DUP) accordée par le gouvernement en 2022 à ce projet d'enfouissement jugé "titanesque et extrêmement dangereux". "La légalité du projet sera tranchée par le Conseil d'État que nous avons saisi pour excès de pouvoir", a précisé à l'AFP Stéphane-Laurent Texier, leur avocat. 

Avec l'affirmation de ce nouveau principe, les neuf membres du Conseil constitutionnel s'inscrivent dans le sillage d'autres juridictions à l'étranger, "en Allemagne, Colombie et certains États des États-Unis", observe l'avocat spécialisé Vincent Brenot, associé du cabinet August Debouzy. "Le principe du droit des générations futures est posé mais très encadré. On peut y déroger si on peut justifier d'un intérêt général, et sa vérification ne commence que lorsqu'on a des atteintes graves et durables à l'environnement", ajoute-t-il. "Ce droit des générations futures est une application très mesurée par le Conseil constitutionnel de l'adage amérindien disant qu'on n'est pas propriétaire de sa terre mais qu'on en est juste le gardien pour ses enfants", résume-t-il.

Suffisamment de "garanties"

Reste que le conseil le Conseil constitutionnel a conclu qu'il y a suffisamment de "garanties" : dès lors, les dispositions du projet "ne méconnaissent pas" le droit des générations futures, et sont "conformes à la Constitution". L'autorisation de mise en service, dont l'instruction vient de débuter et prendra trois ans, sera limitée à une phase pilote "qui doit permettre de conforter le caractère réversible et la démonstration de sûreté de l'installation, notamment par un programme d’essais in situ", souligne le Conseil constitutionnel. "Tous les colis de déchets doivent rester aisément récupérables durant cette phase, qui comprend des essais de récupération", dit-il. Quant à la fermeture définitive du site qui empêchera tout retour en arrière, seule une loi pourra l'autoriser, relève-t-il.

Au contraire, soutiennent les opposants, le délai considérable, jusqu'à des centaines de milliers d'années, durant lequel les déchets les plus toxiques doivent être conservés avant que les radiations ne retombent à des niveaux sûrs excède largement 100 ans et hypothèque le droit des générations futures. Ils soulignent une "atteinte irrémédiable à l'environnement, et en particulier à la ressource en eau".

La décision du Conseil constitutionnel était très attendue en pleine relance de l'atome voulue par l'exécutif. Ce dernier a fait ce choix, plutôt que de miser exclusivement sur l'éolien ou le solaire, afin de produire davantage d'électricité et remplacer d'autres énergies, émettrices de gaz à effet de serre.

La rédaction avec AFP


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