Publié le 08 septembre 2022
ÉCONOMIE
Le parcours de combattant des victimes de la sécheresse avive les tensions avec les assureurs
Les litiges entre les particuliers et les assureurs portent de plus en plus sur les conséquences du réchauffement climatique. Les saisines du médiateur de l’assurance pour ce motif ne cessent d’augmenter ces dernières années. Les cas liés à la sécheresse ont même doublé mais pour les assurés c'est le parcours du combattant. La sécheresse, catastrophe plus insidieuse qu'une tempête ou une inondation, rend la situation plus compliquée.

@Philippe Desmazes via AFP
Les catastrophes climatiques mettent en tension le modèle de l’assurance. L’augmentation des litiges entre les assurés et leurs compagnies d’assurance en est une nouvelle preuve. Les saisines de la médiation de l’assurance pour des motifs liés au climat sont ainsi en constante augmentation depuis quelques années. Les catastrophes naturelles représentaient 6 % des litiges faisant l’objet d’une saisine en 2019 et 8 % en 2021. Sur les premiers mois de l’année 2022, elles atteignent 10 % des saisines… "Vu l’intensité croissante des événements climatiques, il n’est pas étonnant que cela conduise à plus de saisine de la médiation", confie Arnaud Chneiweiss, le médiateur de l’assurance.
Les dégâts causés par les épisodes de sécheresse donnent particulièrement du fil à retordre à la médiation. Le phénomène de rétractation des sols argileux, qui touche près de 10 millions d’habitations en France et provoque des fissures dans les bâtiments, constitue un point d’achoppement de plus en plus fréquent entre les particuliers et leurs assurances. La sécheresse représente désormais 2 % des saisines pour cause climatique, contre 1 % en 2019.
La sécheresse, catastrophe naturelle pas comme les autres
La raison tient d’abord à l’augmentation du nombre d’épisodes de sécheresse en France qui se traduit, mécaniquement, par une augmentation du nombre de litiges. L’année 2022 confirme la tendance, la sécheresse ayant été à la fois précoce avec trop peu de précipitations l’hiver dernier, et généralisée sur tout le territoire hexagonal.
Mais la spécificité de la sécheresse parmi les catastrophes naturelles explique également cette augmentation. La complexité de faire reconnaître les dégâts causés par ce phénomène engendre souvent de l’incompréhension pour les particuliers. "Les dégâts liés à une catastrophe naturelle comme une tempête, une inondation, sont assez faciles à dater et à évaluer. Les faits sont donc peu contestés", remarque Arnaud Chneiweiss. Les litiges dont est saisie la médiation portent en général sur des clauses floues dans les polices d’assurance, des dégâts causés hors arrêté de catastrophe naturelle, etc.
Pour la sécheresse, la situation se révèle toutefois plus complexe. Le mécanisme est le même que pour tout autre événement climatique : un arrêté de catastrophe naturelle est publié par la préfecture sur un laps de temps donné. Un particulier qui constate des dommages sur ses biens en raison de la catastrophe les déclare à son assurance qui envoie un expert. Or très souvent, quand une fissure apparaît dans un bâtiment, les experts ne parviennent pas à rattacher la cause de la fissure à la période de sécheresse faisant l’objet de l’arrêté de catastrophe naturelle. Défaut de construction, fissure préexistante… les motifs autres que la sécheresse peuvent être nombreux.
Le phénomène s’aggrave
"L’assurance refuse l’indemnisation, l’assuré fait une contre-expertise, le tout prenant des mois et coûtant très cher, pour une conclusion qui n’est pas en faveur du particulier", souligne le médiateur. La Cour des comptes, dans un avis de février 2022, a alerté sur les risques posés par le phénomène de retrait-gonflement des sols argileux causé par la sécheresse, en recommandant à l’État de renforcer les mesures de prévention. Elle propose également de revoir son régime d’indemnisation, en sortant ce phénomène du régime des catastrophes naturelles, car il n’est pas soudain et imprévisible. Elle suggère soit une mutualisation du coût de réparation des dommages entre assurés, soit un recours à l’impôt.
Pour le moment, aucune solution n’a réellement été trouvée. "Mais le problème est croissant et ne va faire que s’aggraver", s’inquiète Arnaud Chneiweiss. La sécheresse historique que connaît notamment l’Hexagone cette année va notamment y participer, avec des effets qui se feront connaître dans plusieurs mois.