Publié le 17 avril 2023
ÉCONOMIE
Sécheresse : l’indemnisation des maisons fissurées devrait bientôt être facilitée
Les fissures qui apparaissent sur les maisons en raison de la sécheresse provoque de nombreux litiges entre les assurés et leurs assureurs. Une proposition de loi a été adoptée en première lecture à l’Assemblée nationale pour faciliter l’indemnisation, en revoyant la déclaration de catastrophe naturelle. Ces dispositions sont accueillies fraîchement par la fédération des assureurs, qui a vu le coût d’indemnisation des maisons fissurées augmenter à des niveaux jamais atteints en 2022.

@Philippe Desmazes / AFP
Le parcours du combattant des assurés pour obtenir l’indemnisation des dommages causés à leur habitation par la sécheresse pourrait toucher à sa fin. Une loi adoptée en première lecture à l’Assemblée nationale le 6 avril prévoit d’amender le système d’indemnisation de cette catastrophe naturelle, en venant résoudre les points de friction entre les compagnies d’assurance et leurs clients. La sécheresse entraîne en effet un phénomène appelé "retrait-gonflement des sols argileux". L’argile a tendance à gonfler sous l’effet de l’humidité et à se rétracter en cas de sécheresse, causant des fissures dans les bâtiments construits sur ce type de sols. Le projet de loi est désormais entre les mains des sénateurs qui doivent se prononcer à leur tour.
Le phénomène est loin d’être anecdotique. Il concerne 48% du territoire et près de 54% des maisons individuelles en France, selon une étude de France Assureurs. Sur ce 54%, 16,2% des habitations sont considérées à risque fort. Sur la seule année 2022, les indemnisations pour cause de retrait-gonflement des argiles ont coûté 2,9 milliards d’euros aux compagnies d’assurances, un record inégalé. Les épisodes de sécheresse ont tendance à se multiplier, sous l’effet du réchauffement climatique, et les litiges entre assurés et assureurs aussi.
Un état de catastrophe naturelle automatique
Portée par Sandrine Rousseau, députée Europe Écologie Les Verts, la loi vise en premier lieu à assouplir les conditions dans lesquelles un particulier peut demander à être indemnisé. Les sinistrés doivent en effet attendre qu’un arrêté de catastrophe naturel concernant leur zone géographique soit publié, puis établir leur déclaration de dommages dans un délai donné. Mais les fissures peuvent apparaître plusieurs mois après l’épisode de sécheresse, empêchant les particuliers de faire jouer la garantie catastrophe naturelle. La loi prévoit donc d’étendre le délai pendant lequel l’arrêté peut être invoqué, à douze mois. L’état de catastrophe naturel pourra par ailleurs être déclaré automatiquement si une année fait partie des plus sèches sur les cinquante dernières années.
La députée écologiste a également intégré dans sa proposition de loi une mesure visant à inverser la charge de la preuve en cas de fissure apparaissant sur un bâtiment. L’un des conflits relevés par la médiation de l’assurance tient en effet au fait que les experts mandatés par les assurances ont tendance à réfuter le lien de causalité entre une fissure et la sécheresse. Les deux intervenant souvent à des intervalles de plusieurs mois, ce lien est en effet parfois difficile à établir, alors qu’il est nécessaire pour déclencher la prime d’assurance.
Un surcoût estimé à un milliard d’euros
La loi prévoit désormais que ce lien de causalité sera automatique. En cas de dommage pendant un épisode de sécheresse, le phénomène de retrait-gonflement des argiles sera présumé en être la cause. Il appartiendra donc à l’assureur de prouver le contraire. Ce nouveau dispositif devrait avoir pour conséquence d’augmenter le nombre de sinistres couverts, et donc de renchérir le coût pour les compagnies d’assurance. France Assureurs estime ainsi à près d’un milliard d’euros supplémentaire le surcoût engendré par la loi.
Pour y faire face, la fédération des assureurs milite pour une hausse de la surprime obligatoire sur tous les contrats d’assurance dommages, qui s’élève en moyenne à 25 euros par an. "S’il faut augmenter ce montant de quelques euros, progressivement, sur les prochaines années, je pense que ça en vaut la peine", déclarait Florence Lustman, la présidente de France Assureurs au micro de France Inter. Elle rappelle que le régime "cat nat", cette garantie publique sur les catastrophes naturelles, est déficitaire depuis 2015. La hausse presque continue du coût des événements climatiques ne lui promet pas de retour dans le vert de sitôt.