Le budget 2024 (PLF 2024) arrive à l’Assemblée nationale ce mardi 17 octobre pour un marathon de plusieurs mois. Dès juillet, le gouvernement avait annoncé un investissement "inédit" de sept milliards d’euros supplémentaires pour la transition écologique qui se concrétise dans ce texte. Le budget vert (dépenses favorables à l’environnement) s’établit ainsi cette année à près de 40 milliards d’euros, contre 11 milliards pour les dépenses néfastes à l’environnement. On peut ainsi noter plusieurs avancées concernant notamment la rénovation énergétique des logements ou la décarbonation de la mobilité.
Du côté de la rénovation énergique, poste majeur, le budget de Ma prime rénov’ passe à 4 milliards d’euros en 2024, en hausse de 1,6 milliard d’euros. La prime sera déclinée selon deux piliers : un premier pilier dit "efficacité", centré sur le remplacement des modes de chauffage carbonés, hors passoires énergétiques et un deuxième pilier dit "performance", ciblé sur des projets de rénovations induisant au moins deux sauts de classes du diagnostic de performance énergétique (DPE). Les ONG appellent à aller plus loin avec un "zéro reste à charge pour les plus modestes".
Les grosses voitures thermiques de plus en plus taxées
Les malus sur les voitures thermiques sont durcis afin d’inciter les Français à se tourner vers des véhicules électriques et plus légers. Le "malus CO2", qui taxe les véhicules émettant des gaz à effet de serre, sera désormais déclenché à partir de 118 grammes de CO2 par kilomètre (contre 123 g de CO2/km en 2023). "Concrètement, cela veut dire qu’environ trois quarts des voitures thermiques vont être malussées au moins un petit peu et 16% devront s’acquitter d’un malus de plus de 1000 euros", décrypte Léo Larivière, de Transport & Environnement (T&E).
Quant au "malus poids", qui taxe les véhicules les plus lourds, son seuil de déclenchement est abaissé à 1,6 tonne contre 1,8 tonne auparavant. Un barème progressif est également introduit. Une petite avancée, qui ne concernera toutefois que 5,5% du marché. Parmi les autres nouveautés, on peut noter que les véhicules hybrides rechargeables, jusqu’alors exonérés, seront soumis au malus poids à partir de 2025. En revanche, les électriques restent épargnées.
Les ONG sont dubitatives. Elles appellent en effet à un malus poids "réellement dissuasif" imposé à partir de 1,3 tonne. Elles demandent aussi à ce que les véhicules électriques les plus lourds, les SUV, soient également taxés, à partir de 1,8 tonne. "Un véhicule électrique de 1,9 tonne a le même impact qu’un véhicule thermique d’1 tonne", indique Michel Dubromel, co-pilote du réseau Energie de France Nature environnement (FNE).
Outre les malus, le budget 2024 introduit également un système de leasing social, qui permettra aux plus démunis d’accéder dès novembre prochain à la location longue durée de voitures électriques "pour 100 euros par mois". "On est très satisfait, c’est une mesure qui pourrait être un marqueur fort de l’engagement du gouvernement pour accélérer l’électrique et le rendre plus accessible", a réagi Marie Chéron, de T&E.
La taxe sur les superprofits étendue aux pétroliers ?
Un temps évoquée, la taxe sur les billets d’avion est remplacée par une taxe sur les aéroports et les sociétés d’autoroutes pour un rendement annuel attendu de 600 millions d’euros, servant à financer le "plan d’avenir pour les transports". Une réforme de la fiscalité de l’eau est également proposée afin de pénaliser davantage ceux qui polluent et prélèvent le plus d’eau.
En revanche, parmi les grands absents, pointés par le Réseau action climat (RAC), il y a la fin des exemptions de taxes sur l’aviation, l’ISF climatique qui prendrait en compte l’impact du patrimoine sur le climat, l’instauration d’éco-conditionnalités pour les aides publiques aux grandes entreprises, ou encore la taxe sur les superprofits. Celle-ci générerait selon les ONG de 8 à 12 milliards d’euros de recettes supplémentaires. Le sujet devrait faire l’objet d’un bras de fer au sein de l’hémicycle. Plusieurs députés appellent en effet à ce que la taxation des superprofits exceptionnels, appliquée aux producteurs d’électricité, soit étendue aux pétroliers.
Enfin, le gouvernement s’engage à publier et à mettre en débat à partir de 2024 une stratégie pluriannuelle de financement de la transition, une demande forte de la société civile. "Cela permettra au gouvernement et au Parlement d’anticiper les besoins d’argent public ; et aux collectivités locales et au secteur privé – qui financeront l’essentiel de la transition – de bénéficier d’une visibilité de moyen terme et de faire des choix éclairés pour engager les investissements nécessaires en capital fixe comme en capital humain, réagit Benoît Leguet, directeur général de I4CE. On se rapproche finalement d’une méthode de pilotage bien connue dans le secteur privé : un plan d’affaires de moyen terme, discuté avec la gouvernance, et revu chaque année pour tenir compte du fait que tout ne se passe pas comme prévu."
Concepcion Alvarez