Publié le 20 septembre 2022
ÉCONOMIE
La pub, nouveau front anti-malbouffe pour Mbappé, anti-viande pour Haarlem et pro-sobriété pour les écrans lumineux !
La publicité est devenue une cible pour alerter sur les dommages collatéraux des activités qu’elle sert à promouvoir. Kylian Mbappé refuse d’être sur l’affiche de marques de junkfood comme Coca-Cola et KFC, sponsors historiques de l’équipe de France, la ville de Haarlem interdit la publicité pour la viande et un collectif d’ONG appelle à éteindre les écrans lumineux au nom de la sobriété ! Décodage d’une stratégie anti-pub qui se déploie tous azimuts.

@Anne-Catherine Husson Traore
Les matchs de l’équipe de France de football préparatoires à la Coupe du monde n’ont pas encore commencé que les affaires sont déjà nombreuses. Alors que les appels au boycott de Qatar 2022 se multiplient, le droit à l’image des joueurs est au centre d’une polémique entre Kylian Mbappé et la Fédération française de football (FFF). La star française ne souhaite pas apparaître sur les photos publicitaires de sponsors comme Coca Cola et KFC, deux marques associées à la "junkfood" dont il voudrait limiter les dégâts auprès de la jeunesse grâce à sa stature de rôle modèle.
Kylian Mbappé bagarre depuis plusieurs mois avec la FFF et il a fini par obtenir la promesse de renégocier ces fameuses conventions de partenariat, après avoir "séché" une séance photos avec les sponsors. Son refus a permis de mettre sur la table un drôle de paradoxe : faire sponsoriser le football par des marques associées à la malbouffe, principale cause de l’épidémie d’obésité en Europe et ailleurs, sur laquelle l’OMS a encore tiré la sonnette d’alarme en mai dernier. Les deux sponsors visés, Coca Cola et KFC se gardaient bien, lors du renouvellement du partenariat avec la FFF en 2018, d’évoquer la qualité nutritionnelle de leurs produits.
La publicité peut devenir un repoussoir
"La FFF est un partenariat essentiel pour Coca-Cola car le football, exercé au niveau professionnel ou amateur, véhicule des valeurs profondément ancrées dans l’ADN de Coca-Cola telles que le partage, la convivialité et l’inclusion", expliquait par exemple François Gay-Bellile, Président de Coca-Cola France, pour se féliciter de la prolongation d’un contrat datant de 1997. Même message pour KFC, qui a lui-aussi renouvelé son partenariat en 2018 pour cinq ans, au nom de "l’accompagnement des Français dans des moments de partage et de convivialité".
Mais les temps changent. Aujourd’hui, quand l’image d’un produit est entachée par les ravages environnementaux et/ou sociaux auquel il est associé, la publicité pour ce produit peut devenir un repoussoir. La ville de Haarlem aux Pays-Bas s’est inscrite dans une démarche analogue à celle de Kylian Mbappé. Elle est la première ville à interdire la publicité pour la viande dès 2024, pour dénoncer la contribution de la production intensive et mondialisée de viande au réchauffement climatique.
Le buzz qu’elle a ainsi créé a permis de rappeler qu’un tiers des émissions mondiales de CO2 sont liées à l’élevage intensif, déforestation comprise, et qu’il représente 60 % des émissions du secteur agricole. La ville d’Haarlem s’inscrit dans une politique plus globale de lutte contre le changement climatique aux Pays-Bas par la limitation des émissions liées à l’élevage de porcs, très intensif dans le pays. Ils se sont engagés à maîtriser leur empreinte porcine qui est aujourd’hui de 1719 milliards de tonnes de CO2 pour 22 millions de porcs, en réduisant à 18 millions de porcs en 2030, élevés de façon beaucoup plus durable.
Des écrans numériques de publicité anachroniques
Les temps changent aussi pour l’énergie. Quand la sobriété devient le maître mot des politiques publiques, les écrans numériques de publicité semblent anachroniques. Attaqués depuis longtemps par les ONG environnementales pour leur consommation excessive (pour éclairer un écran digital de 2 m2, il faut 2000 KW/heure par an selon l’Ademe), une pétition lancée par un collectif d’ONG il y a une semaine, demande au président de la République leur interdiction. Elle a déjà rassemblé plus de 15 000 signatures.
Cette demande consiste bien à remettre en cause tout un système que symbolisent les écrans numériques de publicité. Pour les auteurs de la pétition, "ils contribuent au gaspillage d’énergie et de ressources, sont néfastes pour la santé et la biodiversité, prolifèrent dans les centres commerciaux, les gares, les transports en commun, les espaces publics et les vitrines des magasins, soumettent les citoyens à toujours plus de pression publicitaire. Ils incitent à la surconsommation, contribuent à la pollution lumineuse et servent essentiellement aux grandes entreprises, au détriment du commerce de proximité". S’attaquer à la publicité permet bien de cibler plus largement la société de consommation dans son ensemble !
Anne-Catherine Husson Traore, @AC_HT_, directrice générale de Novethic