Publié le 16 février 2021
ÉCONOMIE
Face à la "fatigue pandémique", l’Organisation mondiale de la santé craint un risque de désobéissance civile
Stress, perte d'emploi, isolement social, insomnies... L'Organisation mondiale de la santé (OMS) tire la sonnette d'alarme quant au développement d'une "fatigue pandémique" liée aux restrictions sanitaires dans le monde. Ce phénomène pourrait mener à des actes de désobéissance civile et, in fine, à une reprise de l'épidémie. L'OMS appelle les gouvernements à ne pas sous-estimer ce phénomène.

FATHI AL-MASRI / AFP
C’est un des effets collatéraux du Covid-19. La "fatigue pandémique" qui correspond à un "sentiment de détresse" voire de "désespoir" marqué par du stress, de l’anxiété, des insomnies ... serait de plus en plus important. Si ce phénomène est "une réponse naturelle et attendue face à une crise de santé publique prolongée", il n’en est pas moins inquiétant.
L’Organisation mondiale de la santé (OMS), dans un rapport repéré par nos confrères de France Info, intitulé "Lassitude face à la pandémie. Remotiver la population pour prévenir le Covid-19", appelle ainsi les gouvernements à ne pas sous-estimer ces risques. Car le danger est important : cette fatigue pourrait conduire les populations à ne plus accepter les mesures prises par les gouvernements du monde entier.
La fatigue pandémique est "une menace sérieuse pour les efforts de contrôle de la propagation du virus", prévient l’OMS. "Jusqu’à ce qu’un vaccin ou des traitements efficaces soient disponibles, les décisions publiques et gestes barrières restent essentiels pour contenir le virus. Les efforts que chaque nation a réalisés, collectivement, grâce aux confinements et autres mesures doivent être préservés", insiste-t-elle.
La colère gronde
Depuis des mois en effet, la colère gronde dans plusieurs pays. Fin janvier, aux Pays-Bas, certaines villes ont été le théâtre de manifestations qui se sont transformées en émeutes. L’instauration d’un couvre-feu entre 21 heures et 4h30 du matin, le premier depuis la seconde guerre mondiale, a mis le feu aux poudres. À Tripoli, au Liban, "contre le confinement, les amendes et la grave situation économique", des manifestants ont lancé des pierres sur le siège des autorités locales. Des scènes similaires se sont déroulées en Espagne, en Écosse, en Tunisie ou encore au Danemark.
Ces manifestations ont été observées à la loupe en France. Fin janvier, le gouvernement de Jean Castex s’est posé la question d’un nouveau tour de vis qui aurait pu prendre la forme d’un confinement, alors qu’un couvre-feu à 18 heures était déjà en place. Mais face à "l’épuisement moral" des Français, le Président Emmanuel Macron a préféré temporiser. Le risque étant de renforcer une tendance déjà présente : la baisse de l’adoption des "mesures en lien avec la limitation de l’interaction sociale", relevée dans une enquête CoviPrev.
Porter une attention particulière aux jeunes
L’OMS recommande d’ailleurs aux gouvernements de trouver le juste équilibre entre limitation du risque pandémique et poursuite de la vie sociale. Elle préconise par ailleurs de la transparence de la part des gouvernements via "une planification, une mise en œuvre et une communication minutieuse". Surtout, elle invite les autorités à porter leur attention sur les populations qui "montrent des signes de démotivation", à savoir les personnes âgées qui se retrouvent isolées mais aussi les jeunes.
Ces derniers "sont très touchés par cette fatigue pandémique car ce sont ceux qui vivent cette restriction des libertés de la façon la plus frustrante. Ce sont des personnes qui ne sont pas encore insérées dans le monde professionnel", explique à France Info Abdel Boudoukha, professeur en psychologie clinique et pathologique à l’université de Nantes. Cours à distance, perte d’emploi, de lien social, précarité… ces dernières semaines, en France, les jeunes ont tiré la sonnette d’alarme alors que les tentatives de suicide ont tendance à augmenter pour cette frange de la population. Face à la détresse des étudiants, le gouvernement a lâché du lest et autorisé leur retour un jour par semaine dans les universités depuis le 8 février.
Marina Fabre, @fabre_marina