Publié le 13 juillet 2023
Les deux offres de reprises du groupe Casino sont à l’étude et devraient passer devant le tribunal de commerce à la fin du mois de juillet. Les propositions se concentrent sur la diminution de la dette colossale afin de rendre Casino de nouveau viable. Inquiets, les salariés du distributeur craignent cependant le démantèlement ou les éventuelles suppressions de postes. Ils ont lancé une procédure de droit d’alerte économique pour avoir plus d’informations sur la situation de l’entreprise.

Les derniers jours de la saga Casino se jouent derrière des portes closes. Les deux offres concurrentes ont été déposées, l’une par le trio "3F" formé par Xavier Niel, Matthieu Pigasse et Moez-Alexandre Zouari, l’autre présentée par le milliardaire tchèque Daniel Kretinsky (société EPGC) et Marc Ladreit de Lacharrière (société Fimalac). En parallèle, le distributeur négocie sa dette avec ses créanciers dans le cadre d’une procédure de conciliation. La réponse finale sur l’avenir du groupe devrait être connue le 27 juillet prochain, par décision du tribunal de commerce de Paris. En attendant, les salariés du groupe sont inquiets. Le Comité social et économique central extraordinaire, qui s’est tenu le lundi 10 juillet, n’a pas permis de recueillir plus d’informations pour les salariés. Il concernait la cession des 119 magasins à Intermarché et a permis de faire le point sur la dette du groupe avec les conciliateurs nommés par le juge.
Pas de quoi rassurer les représentants syndicaux, qui demeurent pour le moment dans le flou sur l’avenir des 200 000 employés dans le monde dont plus de 50 000 en France. "On a peur d’un risque de démantèlement du groupe", explique Jean-Luc Farfal, délégué syndical CFDT de Casino. Les deux offres de reprise sont encore peu disertes sur d’éventuelles cessions d’actifs et sur les effectifs. Selon l’analyse comparative effectuée par Casino, le trio Xavier Niel, Matthieu Pigasse et Moez-Alexandre Zouari assure vouloir préserver l’emploi dans le groupe, tandis que l’offre de Daniel Kretinsky et Marc Ladreit de Lacharrière ne donne pas d’indications précises.

Une dette colossale


C’est la colossale dette de plus de 6 milliards d’euros du groupe qui concentre pour le moment les attentions de tout le monde. Une dette telle qu’elle classe Casino au rang des "entreprises zombie", selon le Vernimmen, l’ouvrage sur la finance d’entreprise. Les auteurs du Vernimmen estime que le groupe est en "faillite virtuelle depuis des années", son endettement étant trop important par rapport à ses rentrées d’argent. Les deux propositions de reprise prévoient d’injecter de l’argent frais dans le groupe et de réduire le niveau de la dette, en transformant une partie de celle-ci en actions de l’entreprise.
Pour l’instant, l’offre de Daniel Kretinsky et Fimalac ferait passer la dette à un peu plus de 2 milliards d’euros et celle du trio 3F à près de 3,7 milliards d’euros, mais elles pourraient évoluer en fonction des négociations avec le groupe et avec Bercy, qui surveille la transaction avec attention étant donné le nombre d’emplois en jeu. Les deux offres entraîneraient une forte dilution des actionnaires existants, et détrôneraient Jean-Charles Naouri de sa fonction d’actionnaire principal et de PDG du groupe.

Alertes répétées des syndicats


"Cela fait six ans que l’on alerte le groupe sur le niveau de la dette", rappelle pourtant Jean-Luc Farfal. Aux alertes répétées des syndicats, l’entreprise a toujours répondu que l’endettement était sous contrôle et qu’elle parviendrait à tenir ses échéances de paiement. Un discours qu’elle tenait également auprès du marché qui, depuis un rapport publié par le hedge fund Muddy Waters en 2015, avait conscience de la situation. L’Autorité des marchés financiers, qui surveille notamment les entreprises cotées en Bourse, a lancé plusieurs enquêtes sur la communication financière du distributeur et de sa maison-mère, Rallye. L’une d’entre elles a abouti, le 7 juillet, à une demande de sanction de 25 millions d’euros à l’encontre de Rallye, en raison de communication d’informations fausses ou trompeuses en 2018 et 2019.
Les syndicats ont, de leur côté, lancé au mois de juin une procédure de droit d’alerte économique auprès de Casino en se faisant assister d’un expert. Ils ont envoyé plusieurs questions à la direction afin de connaître l’état de santé économique de leur entreprise et attendent désormais ses réponses. S’ils les jugent insatisfaisantes, ils pourront poursuivre la procédure avec des pouvoirs d’investigation plus larges. Les prochaines semaines vont se révéler décisives pour Casino et ses salariés.
Arnaud Dumas

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