Publié le 27 mai 2023
ÉCONOMIE
La chute du groupe Casino, des milliards de dettes qui mettent en péril Monoprix et Franprix
Le groupe Casino, qui détient Monoprix, Franprix ou Naturalia... est englué dans 6 milliards d'euros de dettes. La stratégie de son PDG Jean-Charles Naouri qui a 74 ans, est mise à mal. Daniel Kretinsky, milliardaire tchèque surnommé l’empereur du charbon, viendrait à sa rescousse étendant ainsi son empire commercial français.

JEFF PACHOUD / AFP
Après Camaïeu, la Grande Récré, Go sport et autres entreprises détenues par Michel Ohayon, un nouveau pan d’entreprises familières des consommateurs français, est confronté au mur de la dette de leur propriétaire. Depuis lundi 22 mai le cours de l’action du groupe Casino est suspendu à la demande de ce distributeur centenaire qui tente de s’inventer un avenir. Elle avait perdu 60 % de sa valeur depuis le début de l’année ! Cela a valu une dégringolade de sa note financière du groupe Casino quasiment au plus bas possible CCC-.
En 2019, il était dans une situation déjà préoccupante mais sa dette était "seulement" de 3 milliards. Son PDG avait alors vendu les murs des magasins de 67 Monoprix, 7 hyper Géant Casino et 33 magasins ainsi que l’enseigne Courir pour tenter d’obtenir un répit et poursuivre une stratégie d’endettement de plus en plus déraisonnable. La désaffection pour les hypermarchés, l’inflation et le positionnement faible sur le e-commerce ont, quatre ans plus tard, acculé le groupe à trouver des solutions financières urgentes. Les coup de théâtre sont loin d’être terminés puisque de nombreux acteurs tournent autour de ce qui reste un fleuron de la distribution française.
L'empereur du charbon à l'assaut
Intermarche vient d’annoncer qu’il allait acheter 180 magasins de Casino dont des Franprix qui réalisent environs 1,6 milliard d’euros de chiffre d’affaires permettant de réduire les créances du groupe. Si le rapprochement était annoncé ce n'était pas sous cette forme. Mais Intermarche n’est pas le seul à s’intéresser à ce groupe fragilisé toujours propriétaire des supermarchés dans lesquels les consommateurs font encore massivement leurs courses. Parmi les scenarios, la prise de contrôle de Casino et le remplacement d’un ex-champion des montages financiers à base de dettes, Jean-Charles Naouri, par celui qui est devenu en un peu plus de 10 ans l’empereur du charbon : Daniel Kretinsky, 47 ans, milliardaire thèque dont la fortune a été constituée à partir du rachat à bas prix de centrales à charbon délaissées pour raisons climatiques.
Premier actionnaire de FNAC Darty, il est monté au capital du groupe Casino qu’il se dit prêt à renflouer à condition de piloter le sauvetage et la future stratégie. Le 24 avril dernier il a proposé 1,1 milliard d’euros d’augmentation de capital ce qui pourrait faire passer le groupe Casino sous l’égide d’un groupe de media et d’énergie qui veut se developper dans la distribution. Pour l’heure la holding EPH créée en 2009 par le francophile Daniel Kretinsky possède les deux dernières centrales à charbon françaises ainsi que deux parcs solaires et six parcs éoliens dans le pays où il réalise un chiffre d’affaires de 2 milliards d’euros. Son autre holding CMI détient des parts importantes dans les media francais grand public. Elle a racheté Elle, Marianne ou Tele Sept Jours et lancé la web TV économique B Smart.
Les grandes manœuvres autour du groupe Casino sont un symptôme de plus que le jeu économique autour des principales enseignes françaises, se fait au détriment des salariés pas vraiment consulté sur l’avenir de leur employeur. Leur nombre se réduit constamment. 3000 postes auraient déjà été supprimés au sein de la seule enseigne Monoprix ces dernières années. Le personnel y est progressivement remplacé par des caisses automatiques et des livreurs payés par des sous-traitants. Les caissières expriment ouvertement leurs craintes de se voir disparaitre, comme les vendeuses de Camaïeu, sans qu’on leur ait vraiment offert une porte de sortie ou une possibilité de reconversion vers des nouveaux métiers !
Anne-Catherine Husson-Traore, directrice des publications de Novethic