Publié le 13 septembre 2025

Montée des eaux, submersion, érosion… Malgré les alertes sur l’avenir du littoral français, le marché immobilier côtier continue de prospérer. Un paradoxe alors que certains territoires pourraient devenir inhabitables d’ici 2050.

La façade maritime française fait toujours autant rêver, même si elle est au bord du gouffre. Selon un rapport de l’association Conséquences, réalisé avec la start-up Callendar, 33 000 logements ont été vendus entre 2020 et 2024 dans des zones qui seront exposées à l’érosion ou à la submersion marine d’ici 2050. Et ces menaces sont loin de faire baisser les prix. La valeur totale de ces transactions est estimée à 8,3 milliards d’euros. Dans les communes littorales, le prix médian au mètre carré des biens à risque est environ 26% plus élevé que celui des autres logements. Dans certaines zones particulièrement attractives, comme la façade atlantique, cet écart peut même atteindre 50%.

L’étude s’appuie sur la première cartographie prospective à l’échelle nationale intégrant les effets du changement climatique, à l’horizon 2050 et 2100. Résultat : 937 000 parcelles pourraient être concernées par la submersion marine en 2050, dont 600 000 submergées de manière permanente à marée haute, en l’absence de protections. La Vendée serait le département le plus menacé, avec 13% de ses parcelles exposées.

“Dans un siècle, le quartier aurait été inondé chaque semaine”

Pourtant, 3 146 permis de construire ont été délivrés ces cinq dernières années dans des zones concernées par ces risques. Interrogé par Novethic, Thibault Laconde, fondateur de Callendar, explique que la prise en compte des risques repose encore trop souvent sur des observations passées : “Aujourd’hui, être classé en zone inondable signifie qu’on a été inondé, pas qu’on le sera”. Les zonages réglementaires sont rarement actualisés, ce qui limite les moyens d’action des collectivités.

Certaines communes tentent pourtant de renverser la tendance. À Caen, un projet de 2 300 logements et 35 000 m² de commerces a été abandonné en 2024, face aux prévisions de submersion à long terme : “Dans un siècle, le quartier aurait été inondé chaque semaine”, explique Thibaud Tiercelet, directeur de la SPL Caen Presqu’île.

“Gentrification inversée”

La destruction en 2023 de l’immeuble Le Signal, à Soulac-sur-Mer, rongé par l’érosion, a marqué les esprits. Mais elle n’a pas suffi à provoquer un tournant national. À terme, les assureurs pourraient cesser de couvrir les zones trop exposées, rendant certains biens invendables et provoquant une baisse brutale des prix. Ce phénomène, déjà observé aux États-Unis, notamment en Floride, entraînerait une “gentrification inversée” : les quartiers côtiers perdent en attractivité, tandis que les zones plus sûres deviennent plus prisées.

Reste qu’aujourd’hui, l’attrait du bord de mer l’emporte toujours sur le risque. Mais cette bulle pourrait éclater si les politiques d’urbanisme et d’assurance ne s’adaptent pas rapidement. Pour Thibault Laconde, “il ne s’agit pas d’interdire de construire, mais de donner aux citoyens une information claire pour qu’ils puissent choisir en connaissance de cause“. Un changement de culture qui reste à construire.

Zones inhabitables : le calvaire des premiers déplacés climatiques en France 4/4

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