“Filière en danger, reprenez vos déchets”. A Abbeville dans la Somme, Arras dans le Pas-de-Calais ou encore Soissons dans l’Aisne, des employés du Relais, spécialiste de la collecte, du tri et de la valorisation des vêtements, ont mené ce mardi 15 juillet une action coup de poing. Leur cible : les géants textiles français, comme Kiabi et Decathlon, devant lesquels ils ont déversé des tonnes de vêtements de seconde main, bloquant l’entrée des magasins pendant plusieurs heures.
Avec cette mobilisation nationale, couplée à une suspension de la collecte sur l’ensemble du territoire, ils souhaitent alerter les marques de prêt-à-porter sur la crise que traversent les acteurs du réemploi. Mais aussi les amener à faire bouger les lignes, ces dernières siégeant au conseil d’administration de Refashion. L’éco-organisme, en charge d’appliquer la responsabilité élargie des producteurs (REP) du secteur, est en effet accusé par le Relais de mettre en danger le modèle de la collecte textile, déjà fortement fragilisé.
33 millions en 2024
Depuis un an, la filière voit son chiffre d’affaires s’effondrer. En cause, un épuisement des débouchés à l’international, notamment en Afrique, alors que les volumes de textiles à traiter ne cessent, eux, d’augmenter. En 2023, plus de 260 000 tonnes ont ainsi été collectées. Afin d’assurer l’équilibre financier de ces opérations, essentielles pour que nos vêtements usagés bénéficient d’une seconde vie ou soient revalorisés, le Relais s’appuie sur l’écotaxe prélevée par Refashion sur chaque achat auprès des enseignes soumises à la REP. Mais le montant qui lui est reversé ne lui permettrait plus de fonctionner.
“Sur les 200 millions d’euros à disposition de Refashion, nous en avons reçu 33 millions en 2024, tous acteurs confondus”, affirme Emmanuel Pilloy, Président du Relais, interrogé par Novethic. Selon la société coopérative, la compensation versée par l’éco-organisme s’élève à 156€/tonne, soit près de deux fois moins que le coût net réel du tri qui atteindrait aujourd’hui 304€/tonne. A cela s’ajoute une absence de solution pour les textiles non réutilisables ou recyclables qui “s’accumulent, faute de reprise organisée par Refashion”.
3000 emplois en péril
“La responsabilité des metteurs sur le marché n’est plus au rendez-vous. On doit déjà puiser dans nos réserves. Sans une revalorisation à hauteur de l’enjeu, on va dans le mur”, alerte Emmanuel Pilloy. De son côté, Refashion assure dans un communiqué “travaille[r] activement, avec les pouvoirs publics, à une solution collective et équitable”, notamment au travers d’une “aide d’urgence revalorisée à 192€/tonne (…] dès 2025”. Une proposition en attente de “l’aval des pouvoirs publics pour être déployée”. L’éco-organisme s’inquiète par ailleurs “de la violence des actions et accusations portées publiquement certains opérateurs”.
“Ce qui est violent c’est de mettre en péril 3 000 emplois”, répond Emmanuel Pilloy. Au-delà de sa mission environnementale, le Relais rappelle que 30% de ses salariés relèvent de l’insertion comme de nombreux acteurs de la filière de la collecte, principalement issus de l’économie sociale et solidaire. Face à ces enjeux, l’organisme appelle ainsi le ministère de la Transition écologique à “intervenir fermement” auprès des entreprises du prêt-à-porter afin de revaloriser la contribution à hauteur du coût net réel du tri. Il demande également la mise en place “urgente d’exutoires pour les textiles sans solutions de valorisation”.