Publié le 30 mars 2025

Ces 30 et 31 mars, la France organise un pré-sommet, SOS Océan, en amont de la 3e Conférence internationale des Nations-Unies sur l’océan (Unoc 3) qui se tiendra à Nice en juin prochain. L’occasion de revenir sur les principaux enjeux de ce sommet qui s’annonce crucial.

Le compte à rebours est lancé. Alors que la France accueillera du 9 au 13 juin, la troisième Conférence des Nations unies sur l’océan (Unoc 3) à Nice, un pré-sommet, baptisé SOS Océan, se tient les 30 et 31 mars à Paris, aux musées de l’Homme et de la Marine en présence de leaders d’opinion, décideurs politiques, scientifiques et défenseurs de l’océan du monde entier. L’objectif est de préparer le terrain en amont du sommet de Nice et d’appeler à un plan d’action ambitieux. “Les conclusions de cet événement seront portées sur la scène internationale, jouant un rôle clé dans l’adoption d’engagements audacieux et transformateurs à l’Unoc”, indique le gouvernement.

A Nice, la conférence, qui doit accueillir une centaine de chefs d’Etat et de gouvernement, doit se conclure sur l’adoption “des accords de Nice sur l’océan”, une déclaration politique non contraignante, et un “plan d’action” recensant les coalitions d’acteurs engagés. La version zéro du projet de déclaration, publié en décembre dernier, débute avec l’engagement “ferme” des Etats “à conserver et à exploiter durablement nos océans, nos mers et nos ressources marines”. Il fait aussi le constat que “l’action ne progresse pas à la vitesse ni à l’échelle requises pour atteindre l’ODD 14” qui concerne les océans.

Pollution plastique et fonds marins à l’agenda

Dans le détail, le document cite plusieurs enjeux majeurs liés à l’océan comme l’élévation du niveau de la mer en reconnaissant qu’elle “affecte de manière disproportionnée les petits États insulaires en développement (PEID), les pays les moins avancés et les communautés côtières”. Il évoque aussi la pollution plastique notamment en mer. “Nous réaffirmons notre engagement à prévenir, réduire et éliminer la pollution plastique en prenant des mesures efficaces tout au long du cycle de vie des plastiques, et appelons les délégations participantes à collaborer pour parvenir sans délai à un accord ambitieux”, mentionne le texte.

Le traité pour mettre fin à la pollution plastique discuté au niveau international a échoué à aboutir en 2024, une poignée de pays pétroliers bloquant toute avancée. Une nouvelle session de négociations est prévue du 9 au 15 août. L’objectif à Nice est de former une coalition d’Etats et d’entreprises afin de porter des objectifs ambitieux en matière de réduction de production de plastique, principal objet de crispation. “On se heurte à des pays qui ne veulent pas faire autre chose que du recyclage, les intérêts économiques sont très importants”, a résumé Olivier Poivre d’Arvor, l’ambassadeur pour les pôles et les enjeux maritimes devant les députés de la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale, le 19 mars dernier.

Sur la question brûlante de l’exploration/exploitation des fonds marins, le projet de déclaration prône “la nécessité d’approfondir les connaissances scientifiques sur les écosystèmes des grands fonds marins et l’importance d’une approche de précaution”. L’Autorité internationale des fonds marins doit aboutir cette année à l’adoption d’un code minier qui va régir les conditions d’une éventuelle exploitation potentielle, alors que la pression de certains pays et entreprises est de plus en plus forte. Une trentaine de pays, parmi lesquels la France, le Chili, le Costa Rica, la Nouvelle-Zélande, l’Allemagne, le Brésil, le Canada ou encore le Vanuatu, sont favorables à un moratoire sur l’exploration des fonds marins afin d’en évaluer toutes les conséquences environnementales. L’objectif à Nice sera de réussir à mobiliser plus largement.

Pour des aires marines “vraiment” protégées

Le projet de déclaration de Nice réitère également l’objectif de protéger au moins 30% des terres et des mers d’ici 2030, conformément à ce que prévoit le Cadre mondial de la biodiversité de Kunming-Montréal, notamment au travers d’aires marines protégées. En France, ce sujet cristallise les tensions. Dans une lettre ouverte adressée à Emmanuel Macron et publiée début février, huit organisations environnementales réclament l’interdiction des méthodes de pêche “destructrices” telles que le chalutage de fond dans les aires marines protégées françaises.

Selon l’ONG Bloom, qui vient de publier un rapport sur le sujet à l’occasion du sommet SOS Ocean, les chalutiers sont responsables de 90% de la destruction des fonds causée par la pêche française, détruisant chaque année en moyenne 670 000 km², un seul passage de chalut de fond tuant entre 20 et 50% des invertébrés présents sur la zone. Les chercheurs montrent que dans l’Hexagone, 85% des volumes de poissons capturés par les chaluts de fond pourraient être pêchés par des lignes, casiers et filets, techniques de pêche bien moins impactantes.

Interrogé sur le sujet dans le cadre du conseil européen sur l’agriculture, la pêche et l’environnement le 21 mars, le cabinet de la ministre de la Transition écologique, Agnès Pannier-Runacher, a fait savoir que la France défendrait une vision au cas par cas et non une interdiction généralisée du chalutage de fond. C’est donc “cette dentelle française des aires marines protégées”, comme la qualifie l’entourage de la ministre, qui sera défendue dans le cadre du Pacte européen pour les océans, annoncé par Ursula Von der Leyen, la présidente de la Commission européenne, et qui sera dévoilé en juin à Nice.

Principe de protection de l’océan

De son côté, la Fondation Tara défendra également à Nice “le principe de protection de l’océan“. Il consiste à protéger l’océan “par défaut“, au-delà des frontières nationales, c’est-à-dire dans les eaux internationales (Haute mer), les grands fonds marins et l’océan austral. “La protection doit devenir la norme et non plus l’exception. C’est à ceux qui veulent exploiter les ressources de l’océan de prouver l’innocuité de leurs actions et non aux ONG qui le défendent. La charge de la preuve doit être inversée !”, défend Romain Troublé, directeur général de la fondation.

“Ça ne sera pas acté à Nice mais c’est la première fois qu’on met sur la table le sujet pour lancer le débat et peut-être aboutir lors de la prochaine conférence sur les océans en 2028”, poursuit-il. “L’objectif est de réussir à faire inscrire ce principe dans le Nice Ocean Action Plan et de lancer le 9 juin une task force d’experts portée par une coalition d’Etats”, complète André Abreu, directeur des politiques internationales à la Fondation Tara Océan.

Enfin, la Conférence des Nations-Unies sur l’océan de Nice sera aussi l’occasion de mobiliser suffisamment d’Etats pour que le Traité sur la protection et l’utilisation durable de la biodiversité en haute mer (BBNJ) entre en vigueur. Adopté en 2023, il doit être ratifié par 60 pays, or seulement une vingtaine l’ont à ce jour ratifié, dont la France. Cela permettrait d’organiser la toute première COP de la haute-mer d’ici 2026 et de lancer la création de nouvelles aires marines protégées. “Il n’ y a jamais eu autant de discussions à aussi haut niveau politique depuis 50 ans sur l’océan”, pointe Romain Troublé.

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