“A prendre ou à laisser”. La COP29, qui s’est ouverte lundi 11 novembre à Bakou, en Azerbaïdjan, a démarré fort. La présidence a mis au vote les nouvelles règles pour la création d’un marché mondial des crédits carbone, supervisé par l’ONU, ouvert aux pays et aux entreprises (article 6.4 de l’Accord de Paris). Aucun accord n’avait réussi à être trouvé lors des deux précédents sommets. Mais coup de théâtre : lors de la réunion de l’organe de surveillance, qui s’est tenue il y a quelques semaines, celui-ci a approuvé des normes, au lieu de recommandations, à soumettre aux délégués afin d’éviter de rouvrir les discussions.
Les pays avaient donc le choix entre les adopter ou les rejeter. Un pari risqué pour la présidence de la COP29 qui a voulu rejouer ce qui s’était passé à l’ouverture de la COP28 sur le fonds pertes et dommages, adopté dès le premier jour des négociations par les Etats. C’est un immense “ouf” de soulagement qu’a poussé le président de la COP29, Mukhtar Babayev, quand le texte a été approuvé. “Après des années d’impasse, des avancées ont commencé à être réalisées à Bakou“, a-t-il salué, ajoutant qu’“il reste encore beaucoup à faire”. La priorité de cette COP est effectivement de fixer un nouvel objectif climatique mondial (NCQG).
“Distractions dangereuses”
Pour Erika Lennon, avocate principale du Centre pour le droit international de l’environnement (Ciel), il s’agit là “d’une manœuvre malhonnête” dans le but d’emporter une “victoire” pour commencer la COP29. “Mais ce n’est guère une victoire pour les gens ou la planète. L’approbation de ces règles du marché du carbone sans discussion ni débat crée un dangereux précédent pour l’ensemble du processus de négociation”, critique-t-elle.
La présidence azerbaïdjanaise a mis en avant que cet accord permettrait de mobiliser 250 milliards de dollars par an pour aider les pays pauvres. “En adoptant l’article 6.4, la présidence de la COP donne le ton pour le reste des négociations sur le climat et confond “financement climatique” et “marchés”. La COP29 est et doit rester une COP de financement, et non une COP de “marchés”. Les pays touchés par la crise climatique ont désespérément besoin d’argent réel”, a également réagi Ilan Zugman, directeur 350.org Amérique latine et Caraïbes, évoquant “des distractions dangereuses”.
“Un accord détourné”
Sur le fonds, le nouveau marché du carbone de l’ONU imposera aux porteurs de projets de crédits carbone d’identifier et de traiter les éventuels impacts environnementaux et sociaux négatifs de leurs projets, ce qui est une première. Ils seront également invités à expliquer comment leurs activités contribuent aux objectifs de développement durable (ODD). Cela “devrait contribuer grandement à faire respecter les droits et à protéger les personnes et l’environnement”, avait souligné Isa Mulder, experte en politique au sein de Carbon Market Watch (CMW). Elle dénonce toutefois “un accord détourné”, qui laisse encore “de nombreuses questions sans réponse, par exemple sur la manière de traiter les projets qui présentent des risques d’inversion (par exemple, le stockage du carbone dans un puits naturel qui pourrait libérer ce carbone après quelques années)”.
“Les systèmes de crédits carbone, et en particulier le mécanisme pour le développement propre établi par le Protocole de Kyoto, se sont révélés à maintes reprises truffés de fraudes, incapables de réduire les émissions et profitant davantage aux négociants en carbone et autres intermédiaires qu’aux communautés qui ont besoin d’un financement pour lutter contre le changement climatique. Il n’y a aucune raison de croire que ces nouvelles règles seront différentes”, réagit également Paddy McCully, analyste chez Reclaim Finance.
Après l’adoption de ces nouvelles règles en plénière, les États ne seront pas en mesure de revenir dessus. En revanche, ils peuvent encore donner des orientations fortes à l’organe de surveillance qui doit veiller à ce que ces nouvelles règles soient adoptées conformément à la science, aux droits humains et au droit international. Les discussions se poursuivront en outre sur l’article 6.2 de l’Accord de Paris qui concerne les échanges de crédits carbone uniquement entre Etats.