Publié le 13 octobre 2024

De plus en plus de créateurs de contenus ne partageraient plus leurs trajets en avion avec leur communauté. Ce phénomène, baptisé “flight hiding”, répond à une prise de conscience des enjeux climatiques de la part des internautes et de l’industrie de l’influence elle-même. Reste maintenant aux influenceurs à diffuser un nouvel imaginaire du voyage, alors que le trafic aérien repart de plus belle.

Exit les photos dans les lounges d’aéroports, les clichés sur le tarmac ou les selfies près du hublot… Certains influenceurs font aujourd’hui le choix de ne plus documenter leurs trajets en avion auprès de leur communauté. Les photos et vidéos publiées sur leurs réseaux sociaux en témoignent : ils apparaissent comme par magie aux quatre coins du globe sans qu’à aucun moment le moyen de transport utilisé ne soit évoqué. Auparavant glamour et signe de succès, l’avion deviendrait-il tabou ?

Baptisée “flight hiding” par le collectif Paye ton influence (PTI), soit “la dissimulation des vols” en français, cette pratique semble se répandre parmi les créateurs de contenus, en réaction à une audience de plus en plus sensible aux enjeux climatiques. “L’une des principales raisons derrière ce phénomène, c’est l’enjeu réputationnel”, confirme à Novethic Amélie Deloche, co-fondatrice de PTI. En invisibilisant les voyages en avion, responsables de 2,5% des émissions de gaz à effet de serre mondiales, les influenceurs souhaiteraient avant tout écarter les critiques.

“Evoluer vers des pratiques plus responsables”

Le “flight hiding” a néanmoins l’avantage d’éviter de normaliser l’utilisation frénétique de ce moyen de transport. “Certains créateurs de contenus voudraient évoluer vers des pratiques plus responsables, dans les partenariats ou les voyages de presse qu’ils mettent en avant, mais aussi dans leur mode de vie, nuance Amélie Deloche. Le fait de montrer, ou non, les trajets en avion incarne cette évolution”. D’autant plus que la pratique ne se cantonne pas seulement à des initiatives personnelles.

L’invisibilisation de l’avion sur les réseaux sociaux serait également impulsée par les agences d’influence qui accompagnent les créateurs de contenu, signe d’une prise de conscience générale au sein d’un secteur de plus en plus interrogé pour son impact écologique. “Nous avons un plan de communication qui contient des “guidelines” à destination de nos créateurs, notamment au moment de l’été où ils voyagent beaucoup”, confirme à Novethic Rubben Chiche, cofondateur de Follow.

L’agence est particulièrement engagée sur la question des transports et incite les influenceurs qu’elle accompagne à ne pas diffuser de contenus prônant l’avion. C’est le cas par exemple de Camille Cerf, ancienne Miss France et influenceuse rassemblant 1,2 millions d’abonnés sur Instagram. “Certains créateurs vont également refuser les propositions de voyage impliquant de prendre l’avion pour seulement quelques jours. Ils mettent des conditions, et ça c’est nouveau”, souligne Rubben Chiche. Depuis plusieurs années, l’agence interdit par ailleurs les partenariats avec les compagnies aériennes. Car l’enjeu est de taille.

Relais de l’industrie du tourisme et de l’aviation

Pour 34% des jeunes français, les réseaux sociaux constituent une source d’inspiration pour choisir leurs futures destinations de vacances, juste derrière leur entourage, selon un rapport de Greenpeace France datant de 2023. Photos dans des destinations paradisiaques, promotions, bonnes adresses… En multipliant les contenus, les influenceurs deviennent des relais de communication particulièrement efficaces de l’industrie du tourisme et de l’aviation. “Ils contribuent directement à un imaginaire qui valorise l’hypermobilité aérienne”, regrette dans un communiqué Alexis Chailloux, chargé de campagne au sein de Greenpeace. Face à ce constat, l’ONG plaide pour l’instauration d’une “loi Evin climat” qui interdirait la publicité pour les activités les plus émettrices de CO2, y compris sur les réseaux sociaux.

Reste que “pour être pertinent”, le “flight hiding” doit “être associé à une diminution globale [des] trajets en avion” des influenceurs, insiste Paye ton influence. Cet appel à la responsabilisation s’inscrit en effet dans un contexte de forte progression de l’aérien, bien loin du phénomène de “flygskam” popularisé en 2019 par Greta Thunberg. “La honte de voler est morte”, déclare même début septembre Stefan Gössling, chercheur à l’université de Lund, dans les colonnes du Guardian. Les voyages internationaux frôlent en effet leurs niveaux pré-pandémiques : près de 5 milliards de passagers aériens devraient voyager cette année selon les projections de l’Association du transport aérien international.

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