Publié le 16 juin 2024

Le gendarme des marchés financiers britannique vient de lancer des poursuites contre des influenceurs, les menaçant de deux ans de prison. Les autorités de régulation dans le monde commencent à s’inquiéter du marketing trompeur pour des produits financiers sur les réseaux sociaux.

Promesse d’argent facile, promotion d’investissements sans risques dans des produits financiers alléchants… quelques stars des réseaux sociaux ont pris goût aux conseils financiers, au risque de se faire rattraper par les gendarmes des marchés. Au Royaume-Uni, neuf “finfluenceurs” (influenceurs en finance) se sont fait rattraper par la Financial conduct Authority (FCA), l’équivalent de l’Autorité des marchés financiers en France. Ces stars de la téléréalité, apparue dans des émissions comme Love Island ou The only way is Essex, sont accusées d’avoir fait la promotion sur Instagram de produits dérivés très risqués et non autorisés liés aux marchés des devises.

Ces finfluenceurs vont désormais passer devant le juge pour connaître leur sanction. Et celle-ci pourrait être très élevée. Ils encourent jusqu’à deux ans de prison pour ces publicités trompeuses et peuvent se voir infliger une amende illimitée. Ils étaient pourtant prévenus. Quelques semaines avant de lancer les poursuites contre ces Instagrammeurs, la FCA avait publié un guide sur la promotion en ligne de services financiers. “Tout marketing pour un produit financier doit être juste, clair et non trompeur pour que les consommateurs puissent investir, épargner ou emprunter en toute confiance“, expliquait Lucy Castledine, directrice de l’épargne à la FCA, lors de la publication du guide au mois de mars. “Les publicités ne concernent pas seulement les “likes”, elles concernent la loi. Nous prendrons des mesures contre ceux qui vantent des produits financiers illégalement“, ajoutait-elle.

Première amende par un régulateur aux Etats-Unis

Aux Etats-Unis, où le régulateur commence aussi à se pencher sur les dérives des réseaux sociaux, les sanctions sont déjà tombées. L’Autorité de réglementation de l’industrie financière (Finra) a ainsi appliqué cette année sa première sanction dans une affaire liée à des influenceurs sur les réseaux sociaux. La société de courtage M1 Finance avait payé près de 1 700 influenceurs entre janvier 2020 et avril 2023 pour faire sa promotion. Un bon coup de com’ pour le courtier qui a enregistré près de 40 000 demandes d’ouvertures de comptes. L’opération n’a cependant pas été du goût du régulateur, qui a relevé que les messages envoyés sur les réseaux sociaux n’étaient ni justes, ni équilibrés… voire complètement mensongers. La Finra a sanctionné le courtier, qui n’avait pas contrôlé les messages, et lui a infligé une amende de 850 000 dollars.

En France, les arnaques sur les réseaux sociaux sont également très nombreuses. Le collectif AVI d’aide aux victimes des influenceurs, créé en juin 2022, tente de rassembler les plaintes dans plusieurs affaires pour tenter de défendre les consommateurs. “Le collectif AVI a dépassé les 1 000 dossiers de victimes reçus, toutes arnaques confondues“, explique Jean-Baptiste Boisseau, membre du collectif AVI et fondateur du site Stop Arnaques.

“On préférerait que l’AMF donne des sanctions”

Les plaintes déposées dans l’affaire de Marc et Nadé Blata, deux influenceurs installés à Dubaï ayant fait la promotion de produits financiers, ont conduit le parquet à ouvrir une enquête en avril 2023. Cette année, le collectif a rassemblé les plaintes contre Laurent Billionnaire, un autre influenceur sur Instagram, poursuivi pour escroquerie en bande organisée et association de malfaiteurs. A chaque fois, les montants perdus par les victimes se comptent en millions d’euros.

Pour autant, la réponse du régulateur financier ne satisfait pas les victimes. L’AMF et l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP) ont créé un certificat de l’influence responsable dans la finance en septembre 2023. “Plutôt que de donner des cours, on préférerait que l’AMF donne des sanctions. Les problèmes sont connus“, tempête Jean-Baptiste Boisseau. L’AMF, dans son rapport annuel 2023, publié fin mai, explique pourtant avoir constaté un “mouvement significatif de nettoyage des contenus, pour ceux qui s’inscrivent dans une perspective de promotion d’offres régulées“, qu’elle attribue notamment à la loi de 2023 sur l’influence commerciale et aux actions de formation.

Insuffisant pour le représentant du collectif AVI. “Certains influenceurs font de la publicité pour des conseils financiers par méconnaissance de la réglementation, c’est très bien qu’ils soient formés. Mais le plus gros des arnaques, ce n’est pas ça, ce sont des gens qui ont conscience de ce qu’ils font“, estime-t-il.

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