Un diagnostic climatique devenu facultatif
C’était l’un des rares points à être salué par les ONG environnementales, la mise en place d’un diagnostic climatique afin de tester la résilience d’une exploitation au changement climatique, au moment de sa reprise. Celui-ci sera finalement facultatif. La partie concernant la qualité des sols a quant à elle été tout bonnement supprimée par un amendement soutenu par le gouvernement et la majorité. Certains députés, notamment au sein de l’extrême-droite, avaient ainsi fustigé la création d’un “DPE agricole”, en référence au diagnostic de performance énergétique des logements. L’Assemblée nationale a toutefois intégré la restructuration/diversification des exploitations comme une piste possible dans le diagnostic économique. “C’est une petite victoire qui est importante pour lutter contre la logique d’agrandissement et de concentration qui ne permet pas l’installation de nouveaux paysans“, explique à Novethic Thomas Uthayakumar, directeur des programmes et du plaidoyer, au sein de la Fondation pour la nature et l’homme, qui avait publié un rapport sur le sujet en octobre dernier.
Des objectifs de surface bio réintégrés in extremis
Après avoir soutenu le retrait des objectifs chiffrés sur la part des surfaces dédiées au bio et aux légumineuses, le gouvernement a rétropédalé et a finalement soutenu leur réintégration dans le texte. Conformément aux orientations de la planification écologique pour l’agriculture biologique, l’objectif est d’atteindre 21% des surfaces en bio d’ici 2030. Pour les légumineuses, le projet de loi va plus loin avec un objectif de 10% d’ici 2030, contre 8% inscrits dans le Code rural. Une trentaine d’associations s’étaient émues dans une lettre ouverte de la suppression de ces objectifs qui résulte, selon le gouvernement, d’une erreur due au nombre important d’amendements à voter.
Une présomption de “non-intentionnalité” créée
L’article 13, qui modifie les sanctions en cas d’atteinte aux espèces protégées et aux habitats naturels, a fait l’objet d’une réécriture suite à un amendement proposé par le gouvernement. Il stipule que seules les atteintes à l’environnement “intentionnelles” doivent être sanctionnées pénalement. Les infractions seront présumées non-intentionnelles si elles sont commises dans le cadre d’une obligation légale ou réglementaire ou en application d’un plan de gestion forestière. Et en cas d’atteinte irréversible, des stages obligatoires de sensibilisation aux enjeux de l’environnement pourront être proposés.
“Actuellement, dans l’immense majorité des dossiers pénaux de destruction d’espèces ou habitats d’espèces protégées, il est impossible de démontrer l’intention, seulement l’imprudence ou la négligence. Ce message d’impunité aboutira à une multiplication des destructions”, s’insurge France Nature Environnement. “Il s’agit d’une régression du droit de l’environnement, en totale contradiction avec le droit et la jurisprudence européens, ainsi qu’avec les principes généraux du code de l’environnement français.”
Accélérer et simplifier la construction d’élevages industriels et de méga-bassines
L’article 15 permet de réduire les délais des procédures administratives relatives à des projets d’ouvrages hydrauliques agricoles (type méga-bassines) et des installations d’élevage intensif. “Cet article va intensifier l’industrialisation de notre agriculture en accélérant et facilitant la construction de mégabassines et de fermes-usines. Cet article est le symbole du carnage que cette loi représente pour l’environnement !”, a réagi Sandy Olivar Calvo, chargée de campagne Agriculture à Greenpeace. Dans un avis, la Défenseure des droits a d’ailleurs jugé que cet article “porte atteinte au droit au recours” en donnant une “présomption d’urgence” aux projets hydrauliques et d’élevage. Elle pointe également des “risques de constitutionnalité au regard notamment du principe d’égalité devant la justice”. Le Conseil d’État avait aussi préconisé l’abandon de ces dispositions dans son avis sur le projet de loi.
L’agriculture reconnue d'”intérêt général majeur”
C’était une promesse du Président Emmanuel Macron, faite au Salon de l’agriculture en pleine crise agricole : ériger l’agriculture (et la pêche) au rang d'”intérêt général majeur”, afin de la placer “au même niveau que l’environnement”, expliquait le cabinet du ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau, lors de la présentation du projet de loi. Sans remettre en cause le principe constitutionnel de la protection de l’environnement, il s’agira de permettre “lorsque plusieurs dispositions législatives seront en présence, voire seront contradictoires”, d’accorder à l’agriculture “une attention spécifique“, avait expliqué la rapporteure du texte Renaissance Nicole Le Peih. L’examen du projet de loi à l’Assemblée a également permis d’inscrire le principe d’une “programmation pluriannuelle de l’agriculture“, d’ici au 1er juillet 2025 puis tous les dix ans.