Publié le 17 mai 2024

Les aires marines protégées bénéficiant d’un haut niveau de protection sont encore trop rares. C’est la conclusion d’un nouveau rapport qui pointe du doigt une définition sujette à interprétation, conduisant à l’autorisation de pratiques destructrices dans ces zones.

Préserver les écosystèmes vulnérables de nos océans, voilà l’objectif des aires marines protégées (AMP). Du moins en théorie. Une étude publiée le 9 mai dernier par la revue scientifique Conservation Letters braque les projecteurs sur la disparité des niveaux de protection adoptés dans le monde. Les chercheurs ont pour cela analysé les 100 plus grandes AMP, couvrant plus de 7% de la surface des océans. Résultat, seul un tiers de ces zones bénéficient aujourd’hui d’une protection “haute ou intégrale”, soit le degré le plus strict, mais aussi le plus efficace.

En parallèle, une grande partie des aires marines manquent de véritables mesures de préservation, notent les auteurs du rapport. Dans près de 37% d’entre elles, les activités industrielles comme l’extraction minière ou la pêche au chalut, sont autorisées. Cette pratique, qui consiste à tracter un très large filet raclant les fonds marins, est pourtant extrêmement destructrice pour la biodiversité. Le quart restant des AMP examinées sont quant à elles tout simplement “dépourvues de réglementation et de gestion”, souligne dans un communiqué le Centre national de la recherche scientifique (CNRS), qui a participé à l’étude.

La quantité avant la qualité

“Ces résultats (…) suggèrent que les méthodes actuelles d’évaluation et de suivi surestiment la quantité au détriment de la qualité”, ajoute le CNRS. Par ailleurs, afin de se rapprocher de l’accord de Montréal, pris en 2022 lors de la COP15 Biodiversité qui prévoit de protéger 30% des terres et des océans d’ici 2030, les pays n’hésitent pas à définir des aires marines dans des “eaux isolées et lointaines”. C’est le cas de onze pays, dont le Brésil, les Etats-Unis, le Royaume-Uni, l’Australie ou encore la France. 62,4% des AMP hautement protégées analysées se situent ainsi dans des zones reculées, loin des littoraux métropolitains et des activités économiques.

“L’accent mis sur les zones reculées pour atteindre les objectifs risque de détourner l’attention (…) des écorégions où les activités humaines sont plus intensives”, pointent les auteurs du rapport, “là où limiter les impacts humains nocifs devient plus difficile”. L’exemple de la France est particulièrement parlant. 80% des aires marines fortement ou intégralement protégées du pays se situent dans les Terres australes et antarctiques françaises, explique auprès de l’AFP Joachim Claudet, chercheur au CNRS et coauteur de l’étude. A titre de comparaison, seules 0,1% des eaux françaises méditerranéennes et 0,01% de la façade Atlantique-Manche-Mer du Nord bénéficient d’une protection forte.

Le chalutage au cœur des débats

Rien n’oblige en effet l’Hexagone à appliquer un haut niveau de protection pour l’ensemble de ses aires. “L’accord de Montréal ne précise pas d’objectif en matière de degré de protection”, explique à Novethic Klaudija Cremers, chercheuse au sein de l’Institut du Développement Durable et des Relations Internationales (Iddri). Le texte laisse les pays libres de définir le niveau de protection pour chaque zone. “Une AMP peut avoir diverses formes, confirme également à Novethic André Abreu, directeur des affaires internationales pour la Fondation Tara Océan. La grille de niveaux de protection de l’UICN (Union internationale pour la conservation de la nature), proposée comme repère, est largement utilisée par les pays, mais différents outils de restriction et de contrôle peuvent être choisis.”

Face à ce constat, les auteurs du rapport appellent à ne plus comptabiliser dans les aires marines protégées les zones “classées comme non mises en œuvre ou incompatibles avec la protection de l’environnement”. Ils recommandent également d’exclure “les activités humaines les plus nuisibles, telles que la pêche industrielle”. Si la Grèce s’est récemment positionnée contre le chalutage de fond, la France s’oppose fermement à l’interdiction de cette méthode dans ses aires marines protégées, mais également dans celles de ses voisins européens comme le Royaume-Uni. La question reste ainsi un enjeu crucial qu’ONG et scientifiques espèrent mettre à l’agenda de la prochaine COP16 qui se déroulera à la fin de l’année, mais également de la conférence des Nations Unies sur les océans, prévue à Nice en 2025.

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