Publié le 8 mai 2024

Autorisé par la préfecture et le gouvernement, un nouveau forage pétrolier fait polémique en Île-de-France. A Nonville, près de la forêt de Fontainebleau, on s’inquiète de possibles contaminations des ressources en eau potable, et des conséquences sur la biodiversité et le climat.

De nouveaux forages pétroliers… en Île-de-France ! C’est en toute discrétion que les pouvoirs publics ont en effet accordé en début d’année à l’entreprise Bridge Energies l’autorisation d’installer deux nouveaux puits de pétrole sur son site de Nonville, dans la vallée du Lunain, en Seine-et-Marne, comme le révèle l’enquête publiée par Libération le 5 mai. Malgré la loi Hydrocarbures de 2017, qui prévoit de ne plus ouvrir de nouvelles exploitations pétrolières, la France continue d’autoriser les forages, dès lors que les concessions actives sont valides. Or celle de Bridge Energies court jusqu’en 2034.

Après les huit puits autorisés en Gironde, à la Teste-de-Buch, c’est donc une nouvelle polémique qui s’ouvre, alors que déjà certains, à l’image de la Mairie de Paris, s’inquiètent des conséquences environnementales et sanitaires du projet. Situé proche d’un site de captage d’eau potable important pour l’Île-de-France, le projet pourrait en effet avoir des conséquences sur l’approvisionnement en eau de la région, en plus de l’impact climatique du pétrole extrait.

Un forage pétrolier qui compromet l’alimentation en eau potable

Dès lundi, la maire de Paris Anne Hidalgo a ainsi réaffirmé son opposition au forage pétrolier dans un communiqué. Elle dénonce une “catastrophe environnementale en puissance, à l’heure où les ressources en eau sont de plus en plus menacées”. Dan Lert, président d’Eau de Paris et adjoint à la mairie de Paris en charge de la transition écologique, a d’ailleurs saisi en référé le tribunal administratif dans le but de faire annuler les autorisations d’extension du site pétrolier, estimant qu’elles pourraient compromettre “la sécurité de l’alimentation en eau potable de la ville de Paris”. Il pointe le risque d’une contamination aux hydrocarbures des eaux et des sols localement, rappelant que plusieurs incidents techniques ont déjà eu lieu sur le site dans le passé. Depuis plusieurs années, les communes proches du site se mobilisent également contre les velléités d’extension de Bridge Energies, comme le rappelle Jean-Claude Belliot, maire de Nonville, commune sur laquelle se trouve le site.

Plusieurs associations locales, dont l’association Environnement Bocage Gâtinais dénoncent également de longue date l’impact sur la biodiversité et les paysages locaux du site pétrolier, situé tout proche d’une zone Natura 2000 et à 4 kilomètres à peine de la forêt de Fontainebleau. Les conséquences climatiques du forage pétrolier sont également pointées du doigt, notamment par Greenpeace France dans un communiqué : “on ne peut pas en même temps déclarer que la France sera la première nation à sortir des fossiles et autoriser le développement d’activités pétrolières et gazières sur notre territoire.” Dans son avis sur le projet rendu en 2023, l’Autorité Environnementale appelait d’ailleurs l’entreprise à “reconsidérer ce projet d’extension de l’activité de la plateforme afin de répondre à l’urgence climatique et à l’impératif de réduction conséquente et rapide de la consommation d’énergies fossiles.” Et ce bien que la réglementation française ne prévoit pas l’interdiction de l’exploitation des énergies fossiles avant 2039.

Crise de confiance avec Bridge Energies

Les opposants au projet pointent également les dysfonctionnements en matière de gestion du site par Bridge Energies. Le journal Libération diffuse ainsi les témoignages de salariés d’Eau de Paris, de riverains ou d’élus locaux, qui relatent des incidents sur le site, le manque de transparence et de communication de l’entreprise, le manque de surveillance et de contrôle, les prestataires négligents… Pollutions, écoulements, odeurs, bruit… Localement, les nuisances cristallisent les oppositions, année après année. Bridge Energies de son côté, n’a pas répondu aux sollicitations de Novethic, et n’a pas souhaité faire de commentaire dans les médias, en attendant la fin de la procédure judiciaire en cours.

Cela fait déjà près de cinq ans que la saga dure autour de l’extension des forages pétroliers de Nonville. En 2019 déjà, Bridge Energies avait ainsi demandé la construction de 10 nouveaux puits. A l’époque, une pétition signée par plus de 70 000 riverains avait même été lancée contre le projet, et la demande de Bridge Energies avait été rejetée par les autorités. Rebelote en 2022, avec un nouveau projet d’extension, pour seulement deux puits, qui ont cette fois été autorisés par le gouvernement Borne, et la préfecture. Dans les prochains jours, le tribunal administratif devrait étudier les risques sanitaires et environnementaux posés par ces nouveaux forages, avant de rendre son ordonnance.

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