Publié le 11 octobre 2019
Alors que les résolutions d’actionnaires deviennent des outils de choix pour les investisseurs engagés, la SEC, régulateur boursier américain, a adopté une série de mesures qui pourrait en limiter la portée. Des investisseurs se mobilisent pour contester cette politique perçue comme pro-business.

La Securities and Exchange Commission (SEC), le gendarme de la Bourse américain, s’attaque au pouvoir des actionnaires. Elle vient d’adopter de nouvelles règles pour encadrer les activités des agences de conseil en vote (proxy advisors) et simplifier les procédures d’appel ouvertes aux actionnaires. Lors de la réunion des PRI in Person à Paris, Robert Jackson, commissaire démocrate de la SEC, avait prévenu que l’administration Trump tenterait de limiter le développement de la finance durable. Ces nouvelles règles en constituent l’une des premières preuves, la SEC limitant les possibilités d’engagement actionnarial des investisseurs qui veulent transformer les entreprises. Deux principales dispositions (ci-dessous) risquent d’entraver le travail des investisseurs.


  • La première disposition controversée adoptée par la SEC concerne les proxy advisors. La régulation de ces firmes de conseil aux actionnaires, tels que ISS et Glass Lewis, a été renforcée par des lignes directrices adoptées fin août. Ces agences de vote feront face à une responsabilité légale accrue si les avis qu’elles publient contiennent des informations incorrectes. Les entreprises bénéficieront aussi un droit de regard sur ces avis avant leur envoi aux actionnaires.

  • La deuxième disposition date de début septembre. La SEC a annoncé qu’elle souhaitait simplifier les procédures de recours des actionnaires. Dans le droit américain, ils ont la possibilité de faire appel au régulateur si une entreprise refuse d’inscrire une résolution au programme de l’assemblée générale. La SEC peut le cas échéant invalider cette décision. La nouvelle politique permettrait à la SEC de refuser de se prononcer dans un litige sur une résolution entre un actionnaire et l’entreprise, ainsi que de déclarer ses conclusions oralement. 

Des limites portées au pouvoir des actionnaires

Ces nouvelles règles ont suscité de vives réactions de la part de groupes d’investisseurs tels que les PRI, le Council of Institutional Investors ou le Shareholder Rights Group. Dans un commentaire relayé par le Financial Times, les PRI ont défendu le rôle important joué par les proxy advisers dans le soutien aux résolutions liées aux facteur Environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG). Cette position risque de devenir précaire suite aux nouvelles règles sur leur responsabilité introduites par la SEC. Plus généralement, des craintes existent pour l’indépendance et la pertinence des avis délivrés par les proxy advisers.

De même, par une lettre datée du 20 septembre, cinq grands groupes d’investisseurs engagés ont manifesté leur inquiétude concernant les nouvelles règles de procédure de la SEC. Ils estiment qu’elles imposeront une charge disproportionnée aux investisseurs qui veulent faire entendre leur voix, car si la SEC refuse de se prononcer sur une résolution écartée, le litige devra être tranché en justice. L’introduction de conclusions orales pose également des questions de transparence et de suivi des procédures. 

Comme un signe avant-coureur, le président de la SEC désigné par Donald Trump, Jay Clayton, signalait à la mi-juillet réfléchir à augmenter le seuil minimal pour déposer une résolution d’actionnaires. Dans ce conflit d’interprétation réglementaire, le régulateur boursier américain a résolument choisi un ton pro-business. 

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