Un nouveau thème d’engagement actionnarial va faire son apparition aux assemblées générales de cette année. Cinq grandes entreprises de l’industrie des divertissements se voient questionnées sur leur utilisation des technologies de l’intelligence artificielle et leurs impacts sur leurs salariés. Le gestionnaire des fonds de la principale fédération syndicale américaine a déposé une proposition de résolution aux AG de Disney, Apple, Comcast, Netflix et Warner Brothers Discovery afin qu’elles publient un rapport sur leur utilisation de l’IA et divulguent “toutes lignes de conduite éthiques que l’entreprise a adoptées concernant son utilisation des technologies de l’IA“.
Les fonds de l’AFL-CIO (American federation of labor-Congress of industrial organizations) s’inquiètent en effet des impacts de ces nouvelles technologies sur les salariés de ces grands groupes. L’organisation syndicale craint notamment des risques de discrimination à l’égard des employés, mais aussi de possibles vagues de licenciements si l’intelligence artificielle automatise certaines tâches. Les contenus créés par ces entreprises peuvent également se révéler source de désinformation, l’IA permettant de réaliser des “deep fake” vidéos et écrits, un fait particulièrement préoccupant en période de campagne électorale.
“Transparence, consentement et compensation”
En ciblant les entreprises du divertissement, l’AFL-CIO prend également le relais des syndicats de scénaristes et d’artistes qui ont longuement manifesté et fait grève en 2023. L’un de leurs thèmes de revendication était en effet le meilleur encadrement de l’utilisation des technologies de l’IA, les acteurs et actrices craignant notamment que des doubles numériques prennent leur place sans qu’ils ne soient rémunérés. Le fonds de pension de l’AFL-CIO, qui gère plus de 12 milliards de dollars d’actifs, préconise dans le texte d’accompagnement de sa résolution actionnariale certaines lignes de conduite.
“Selon nous, les systèmes d’intelligence artificielle ne devraient pas être entraînés sur des travaux protégés par des licences, ou sur des voix, des apparences et des performances d’artistes professionnels, sans transparence, consentement et compensation pour les créateurs et détenteurs de droits“, explique le fonds de pension. Une manière d’expliquer ce que les lignes de conduite éthiques sur l’IA devraient comporter. La loi américaine sur l’intelligence artificielle donne également des indications sur les précautions à prendre avec cette technologie, notamment sur la protection des données, les précautions à prendre contre les biais algorithmiques, ou encore les alternatives humaines à mettre en place.
21% de votes favorables chez Microsoft
Les entreprises ciblées n’ont pas accueilli très favorablement les recommandations de l’investisseur. Apple et Disney ont même saisi la Securities and exchange commission (SEC) pour demander à ne pas inscrire la résolution à l’ordre du jour de leurs AG, qui se tiennent respectivement le 28 février et le 3 avril prochain. Les deux multinationales estiment que la résolution ingère dans la gestion quotidienne de l’entreprise et outrepasse donc le droit des actionnaires, ce que la SEC n’a pas validé. Les deux sociétés devront donc soumettre la résolution externe au vote.
Les entreprises vont donc devoir traiter du sujet en AG, d’autant que les actionnaires semblent déjà mobilisés. Une résolution sur l’utilisation de l’IA est déjà passée devant les actionnaires, lors l’assemblée générale de Microsoft le 7 décembre 2023. Déposée par l’investisseur activiste Arjuna Capital, elle demande une évaluation sur les risques engendrés par le logiciel ChatGPT en termes de désinformation. La résolution n’a pas été adoptée, mais elle a obtenu plus de 21% de votes favorables. Un score non négligeable pour une première année d’engagement actionnarial sur l’IA.