Minuit moins 90 secondes : l’horloge de l’apocalypse n’a pas bougé cette année, ni dans un sens ni dans l’autre, restant figée sur le record battu en 2023. De quoi alerter sur l’état de danger sans précédent auquel le monde est toujours confronté. “Ne vous y trompez pas : réinitialiser l’horloge à 90 secondes avant minuit n’est pas une indication que le monde est stable. Plutôt l’inverse. Il est urgent que les gouvernements et les communautés du monde entier agissent”, a prévenu Rachel Bronson, la présidente du Bulletin of the Atomic Scientists qui actualise ces calculs chaque année.
Diverses menaces mondiales sont pointées du doigt : la guerre entre la Russie et l’Ukraine et la détérioration des accords de réduction des armements nucléaires ; la crise climatique et la désignation officielle de 2023 comme l’année la plus chaude jamais enregistrée ; la sophistication croissante des technologies du génie génétique, ainsi que l’avancée spectaculaire de l’IA générative qui pourrait amplifier la désinformation et corrompre l’environnement informationnel mondial.
“L’IA a un grand potentiel pour amplifier la désinformation”
Plus précisément, le Bulletin of the Atomic Scientists pointe les programmes de dépenses nucléaires des trois plus grandes puissances nucléaires – la Chine, la Russie et les États-Unis – qui menacent de déclencher une course aux armements nucléaires. “La Russie et la Chine développent leurs capacités nucléaires et la pression monte à Washington pour que les États-Unis réagissent de la même manière”, s’inquiètent les scientifiques. L’Iran continue d’enrichir de l’uranium à des fins militaires, la Corée du Nord construit des armes nucléaires et des missiles à longue portée, tandis que l’expansion nucléaire au Pakistan et en Inde se poursuit.
Le changement climatique fait également partie des principales menaces alors que 2023 a été reconnu l’année la plus chaude jamais enregistrée et que les émissions mondiales de gaz à effet de serre ont continué d’augmenter. “À moins d’une augmentation notable des efforts, le nombre de victimes humaines du dérèglement climatique va inexorablement s’alourdir”, alertent encore les spécialistes.
Ils évoquent enfin les technologies biologiques qui pourraient permettre de déployer des agents biologiques susceptibles de nuire à un grand nombre d’humains, d’animaux, de plantes et d’autres éléments de l’environnement, ainsi que l’intelligence artificielle. “L’IA a un grand potentiel pour amplifier la désinformation”, prévient le Bulletin of the Atomic Scientists. Et si des mesures commencent à être prises pour encadrer son développement, “il reste encore beaucoup à faire pour instaurer des règles et des normes efficaces“, estiment les spécialistes.
Chine, États-Unis et Russie doivent coopérer
“Comme sur le Titanic, les dirigeants mènent le monde vers la catastrophe. Seules les grandes puissances comme la Chine, l’Amérique et la Russie peuvent nous faire reculer. Malgré de profonds antagonismes, ils doivent coopérer – sinon nous sommes condamnés”, a déclaré le gouverneur Jerry Brown, président exécutif du Bulletin.
Le Bulletin of the Atomic Scientists a été créé en 1947 par des scientifiques qui avaient aidé à développer les premières armes atomiques. Ils avaient alors estimé qu’ils “ne pouvaient pas rester à l’écart des conséquences de leur travail” et ont travaillé pour informer le public et les décideurs des menaces d’origine humaine pour l’existence humaine. Le Bulletin a été fondé sur la conviction que parce que les humains avaient créé ces problèmes, ils avaient l’obligation et la possibilité de les résoudre.
L’horloge de l’apocalypse, devenue un indicateur universellement reconnu de la vulnérabilité du monde face aux catastrophes mondiales causées par les technologies créées par l’Homme, indiquait à sa création minuit moins sept. En 1991, à la fin de la Guerre froide, elle avait reculé jusqu’à 17 minutes avant minuit. En 1953, ainsi qu’en 2018 et 2019, elle affichait minuit moins 2 minutes en raison du changement climatique.