Publié le 23 décembre 2023
L’État du Tennessee a saisi le tribunal contre Blackrock, en raison de sa politique ESG. Le procureur général reproche à la société de gestion de pratiquer l’analyse ESG sur tous ses fonds, même ceux qui ne l’affichent pas, de promettre de meilleurs rendement grâce à l’ESG, mais aussi… d’avoir opéré une volte-face récente sur la finance durable ! Chaque semaine, Novethic Essentiel vous propose un billet LinkedIn qu’il ne fallait pas manquer.

Les États républicains continuent de mener une guerre idéologique contre les pratiques ESG des sociétés de gestion. Le procureur du Tennessee vient ainsi de lancer un procès contre Blackrock, le géant de la gestion d’actifs aux 9,1 milliards de dollars sous gestion, parce qu’il “utilise des stratégies agressives pour pousser des objectifs environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) controversés dans les actifs qu’il gère“, explique l’acte d’accusation. Quelques semaines plus tôt, des poursuites judiciaires avaient été lancées contre l’alliance Gfanz et l’ONG As You Sow par une commission de la Chambre des représentants des États-Unis en raison du risque d’entente commerciale que représentent ces organisations.


Cette fois, les poursuites contre Blackrock ne sont pas fondées sur les lois “antitrust”, mais sur le droit de la consommation. Le procureur général du Tennessee, Jonathan Skrmetti, accuse la société de gestion d’avoir trompé les épargnants en procédant à des analyses ESG même sur ses investissements qui ne sont pas définis comme étant durables. Le gouvernement du Tennessee reproche également à Blackrock d’avoir surévalué la capacité de l’ESG à affecter les entreprises, donc à obtenir de meilleures performances.

Des méthodes inédites

Plus surprenant, l’État du Tennessee poursuit aussi Blackrock parce que la société de gestion, au travers de la voix de Larry Fink, a déclaré ne plus vouloir employer le terme ESG devenu trop politique. Tout cela mis bout à bout “est susceptible de tromper à la fois les investisseurs qui ne veulent pas investir dans des actifs qui sont ou seront utilisés pour pousser l’ESG, et les investisseurs qui envisagent d’investir dans l’ESG en tant que stratégie financière pour augmenter leurs rendements“, selon l’acte d’accusation.

L’État du Tennessee utilise ce procès pour poursuivre la croisade des élus républicains contre la finance durable, jugée trop “woke”, en employant des méthodes inédites. Jusqu’ici, certains États comme le Texas ou la Floride étaient plutôt passés par la législation. Une loi a ainsi été adoptée en Floride pour interdire aux administrations d’utiliser des critères ESG pour l’investissement public, les émissions obligataires ou encore les achats publics. Le Texas et la Louisiane ont de leur côté décidé de boycotter les sociétés de gestion – dont Blackrock – utilisant des critères de durabilité dans leurs stratégies.

Le greenhushing au tribunal

Blackrock se retrouve également mis face à ses contradictions. Larry Fink, son PDG, s’est longtemps positionné en porte-étendard de la finance durable dans les lettres annuelles à ses clients et aux entreprises. Puis, face aux attaques répétées contre la finance durable, le dirigeant a choisi de céder du terrain en minimisant sa pratique ESG. Une tentative de “greenhushing” qui, aujourd’hui, lui est reprochée devant un tribunal.

Les investisseurs dans les fonds de Blackrock ont-ils été lésés par sa stratégie d’investissement, qu’elle soit ESG ou non ? C’est finalement à cette question que va se résumer le procès. Pour Tyson Timmer, doctorant à l’Institut sur l’environnement et la durabilité de l’Université de Californie (UCLA), la réponse est claire. “Le Tennessee va perdre cette affaire“, tranche-t-il dans un billet LinkedIn. Le fait de vendre des fonds durables en expliquant que cela permettra un retour financier ne constituera pas un motif suffisant, selon lui. “Je suis d’accord que la plupart des fournisseurs de fonds d’investissement exagèrent leurs fonds ESG (méthodologie vague, faible qualité des données), mais il sera difficile pour le Tennessee de montrer que cela a nui aux consommateurs“, ajoute-t-il.■

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