Publié le 11 décembre 2023
La COP28 innove tous azimuts. Organisée par un pays membre de l’OPEP qui appelle à refuser tout déclin des énergies fossiles, elle donne aussi une place renforcée aux entreprises pour faciliter la signature de contrats. Cette dimension "foire expo des innovations climatiques" est loin de l’esprit des premières participations d’entreprises destinées à intensifier la lutte contre le changement climatique. L’augmentation spectaculaire du nombre de lobbystes au service des industries les plus carbo-intensives en témoigne. 
La première Journée du commerce durable jamais organisée dans une conférence onusienne dédiée au climat s’est déroulée le 5 décembre dernier. Destinée à faciliter "les échanges entre grandes entreprises et investisseurs à propos des perspectives offertes par le secteur privé mondial pour construire une économie plus favorable au climat", son principal partenaire était le constructeur vietnamien de voitures électriques Vinfast Auto.
Thani bin Ahmed Al Zeyoudi, le ministre émirati du commerce extérieur qui l’a inauguré, a précisé que "le commerce était indispensable à la lutte contre le changement climatique et que seul le secteur privé pouvait proposer des solutions techniques qui aient un véritable impact à long terme." Pour lui, "les régulateurs et les politiques peuvent poser le cadre mais seules les entreprises peuvent amener des solutions pouvant être développées par les marchés." Le Forum du commerce durable doit donc "être une étape décisive dans la construction d’un commerce mondial plus propre, plus intelligent et plus rapide qui va, in fine, nous amener vers l’Accord de Paris."

Une consécration du techno-solutionnisme


Le Forum pour le commerce durable résume l’état d’esprit des organisateurs émiratis qui avaient réduit au maximum l’espace d’expression de la société civile  alors que les entreprises avaient la part belle dans la zone verte qui leur était réservée. Elles disposaient de quatre espaces : innovations technologiques, transition énergétique, rendez-vous des compétences et finance climat. Les centaines d’exposants étaient venus du monde entier. Parmi les grandes entreprises occidentales on pouvait trouver Microsoft, Siemens, Amazon ou encore Barclays.
Si lors de la COP21 à Paris dont les participants devaient ensemble faire le bilan, la présence des entreprises était un élément fort de leur engagement dans la lutte contre le changement climatique, celles qui participent à la COP28 misent plutôt sur leurs propres solutions. Parmi la vingtaine de sponsors qui financent l’évènement, un seul, Iberdrola, a fait certifier ses engagements de réduction d’émissions de gaz à effet de serre par l’initiative Science Based Target, le référentiel qui fait consensus. 


La COP28 consacre donc le  "techno-solutionnisme", à l’image de cette campagne de Siemens qui explique que les principaux leviers de décarbonation sont aujourd’hui connus (énergies renouvelables, électrification, efficacité énergétique) et qu’ils "permettent de traiter 60 % du problème que constitue le changement climatique". Son accélérateur est là pour les mettre en œuvre.


Lobbying agro-industriel massif 


Parmi les 70 000 participants de la COP28, un record absolu, les entreprises étaient très présentes non seulement à travers leurs stands dans la zone verte mais aussi au sein des délégations nationales ce qui leur permet d’être au plus près des négociations. Les industries pétrolières et gazières ne sont pas les seules à occuper le terrain. Les lobbyistes de l’agro-industrie sont eux aussi très actifs. L’ONG Desmog qui se propose de "lutter contre la pollution des esprits par les semeurs de doute" en a ainsi dénombré 340 trois fois plus que précédemment.



 Sa carte interactive permet de bien comprendre les mécanismes d’influence qu’utilise en particulier JBS, l’entreprise brésilienne très controversée. La semaine dernière un énorme cochon a été déposé sur la tour Barclays à Londres pour dénoncer le soutien de 4,8 milliards apportés à JBS par la banque britannique entre 2015 et 2022. Pour Desmog, ces industries sont "championnes des solutions techniques qui permettent de faire oublier les changements fondamentaux nécessaires pour réduire les émissions liées à l’agro-business." Elles comptent pour un tiers des émissions de gaz à effet de serre mondial.


Anne-Catherine Husson-Traore, directrice des publications de Novethic


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