Publié le 12 juin 2025

Alors que le président Donald Trump promettait une “domination énergétique” et un nouvel âge d’or pour les énergies fossiles, les prévisions à court-terme montrent une chute de la production américaine de pétrole. Elle atteindrait son niveau le plus bas depuis la pandémie de Covid-19. Les industriels du secteur sont très inquiets et dénoncent une stratégie contre-productive.

“Drill baby drill” (“Fore, bébé fore”), le célèbre slogan de campagne de Donald Trump est en train de s’étioler. Alors qu’il visait à faire advenir un nouvel âge d’or des énergies fossiles – bien que les Etats-Unis soient déjà le premier producteur de pétrole au monde – l’industrie pétrolière, qui a largement soutenu le candidat Républicain, craint aujourd’hui un véritable retour de bâton.

Dans ses prévisions à court-terme, publiées mardi 10 juin, l’Energy information administration (EIA) table en effet sur une chute record de la production de pétrole, passant d’un record historique de 13,5 millions de barils par jour (b/j) au deuxième trimestre 2025 à environ 13,3 millions de b/j au quatrième trimestre 2026. Il s’agirait de la plus forte chute annuelle depuis la pandémie.

En cause ? La diminution du nombre de plateformes de forage en activité et la baisse des prix du pétrole. “Le mois dernier, le nombre de plateformes en activité a diminué bien plus que prévu dans notre rapport de mai”, explique l’EIA. “Avec moins de plateformes de forage en activité, nous prévoyons que les opérateurs américains foreront et achèveront moins de puits d’ici 2026″, ajoute l’agence du département de l’énergie.

Baisse des forages en activité

Selon les données de Baker Hughes, mises à jour le 6 juin, le nombre de forages pétroliers en activité aux Etats-Unis était de 442, soit 40 de moins qu’en janvier 2025, lors de l’investiture de Donald Trump. Dans le bassin Permien à l’ouest du Texas et à l’est du Nouveau-Mexique, dans le bassin Eagle Ford au sud du Texas et dans l’État du Texas, le nombre de forages atteint ainsi son niveau le plus bas depuis novembre 2021.

Les industriels sont en effet méfiants. La guerre commerciale lancée par Donald Trump et la réaction surprise de l’Opep+, qui a augmenté l’offre de pétrole, ont fait chuter les prix. Le West Texas Intermediate (WTI), référence pétrolière américaine, s’est établi à 65,33 dollars le baril mercredi 11 juin, en baisse de 16% sur un an et sous le seuil suffisant pour assurer la rentabilité des projets. L’EIA prévoit en outre que le prix du brut chutera à 61 dollars le baril en moyenne d’ici la fin de l’année et à 59 dollars le baril en moyenne en 2026.

Or, selon la dernière enquête réalisée auprès des industriels de l’énergie par la Federal reserve bank of Dallas, l’une des banques régionales de la Réserve fédérale des Etats-Unis, et publiée en mars, le prix du WTI doit s’élever en moyenne à 41 dollars le baril pour couvrir les dépenses d’exploitation et à 65 dollars pour lancer de nouveaux forages. Le bilan de la politique américaine établi par les entreprises interrogées est très sévère.

“Incertitude” “ralliement populiste”

“Le mot clé pour décrire 2025 jusqu’à présent est incertitude et, en tant que société cotée, nos investisseurs détestent l’incertitude”, témoigne un industriel. “Forez, bébé, forez” n’est rien d’autre qu’un mythe et un cri de ralliement populiste”, s’emporte un autre. “Je n’ai jamais ressenti autant d’incertitude à propos de notre entreprise au cours de toute ma carrière de plus de 40 ans”, confie un troisième.

Un autre répondant indique : “La menace d’un prix du pétrole à 50 dollars par l’administration a incité notre entreprise à réduire ses dépenses d’investissement pour 2025 et 2026. Le principe du ‘Fore, bébé, fore’ ne fonctionne pas avec un baril de pétrole à 50 dollars. Des plateformes de forage seront abandonnées, l’emploi dans l’industrie pétrolière diminuera et la production pétrolière américaine déclinera comme elle l’a fait pendant la Covid-19.”

“Le président américain est non seulement en train de déréguler les chaînes de production, mais également de réduire drastiquement la consommation d’énergies fossiles à travers le globe”, estime Laurent Horvath, géo-économiste de l’énergie dans une chronique pour Le Temps, publiée en avril. Si un pétrole à prix bas peut favoriser la demande, il peut en effet aussi freiner l’offre à terme, en tout cas en provenance des Etats-Unis où le pétrole de schiste est plus coûteux – car plus difficile – à extraire, qu’en Arabie saoudite par exemple.

“Si jusqu’ici aucun pays n’a voulu se lancer sérieusement dans la transition énergétique, c’est parce que l’addiction au pétrole nécessite des décisions et des changements très douloureux. Peut-être que pendant quatre années avec Donald Trump comme professeur, elle s’imposera comme une évidence”, conclut Laurent Horvath.

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