Dans les entreprises comme au sein des pouvoirs publics, le sujet de l’adaptation face au changement climatique prend de l’ampleur. Ici on ne parle pas de réduire ses émissions mais de se protéger face aux effets d’un climat qui se dérègle déjà. Et un des impacts les plus visibles du dérèglement climatique, ce sont bien sûr les vagues de chaleur qui deviennent plus intenses et plus fréquentes. Un exemple récent qui a établi un nouveau record, la ville de Phoenix en Arizona a dépassé les 100 degrés Farenheit (37,8 °C) pendant plus de 100 jours cet été.
Alors dans le monde entier on cherche comment protéger les populations face à la chaleur. Il y a évidemment des solutions techniques comme la climatisation (qui représente cependant déjà 7% des émissions mondiales de gaz à effet de serre à elle seule) ou les peintures réflexives sur les toits mais cela coûte cher, parfois trop dans les pays en développement. Emerge donc une solution plus low tech : rester chez soi. On sait que face aux vagues de chaleur il vaut mieux rester à l’ombre et limiter les efforts physiques, donc le remède le plus efficace peut être… de ne rien faire. Un isolement qui pourrait devenir contraint dans un futur proche, Novethic parlait en mai 2024 de “confinement climatique” en Thaïlande ou au Bangladesh suite à la fermeture des écoles et des recommandations officielles de ne pas sortir.
Une assurance chaleur en Inde
Le problème c’est que rester chez soi, ce n’est pas toujours possible notamment pour les travailleurs précaires payés à la journée. A Ahmedabad, en Inde, une solution innovante a émergé avec le soutien d’ONG qui financent le programme : une assurance chaleur qui permet de rester chez soi quand le thermomètre s’emballe. Distribuée par un syndicat des travailleuses femmes indépendantes, l’assurance est dite paramétrique car elle se base sur un paramètre (ici la température) et non pas sur des dommages constatés. Les travailleuses indépendantes payent une très petite cotisation et reçoivent un virement qui peut aller jusqu’à 85$ si la somme des températures sur trois jours dépasse un certain seuil. Résultat, elles ne sont plus obligées de sortir pour gagner un salaire pendant quelques jours limitant le risque pour leur santé. Un programme financé par le mécénat aujourd’hui mais qui pourrait bien recevoir demain de l’argent public si les effets sur le système de santé sont démontrés.
L’économiste (et prix Nobel) Esther Duflo déclarait dans le podcast “Chaleurs Humaines” qu’il s’agissait d’une des mesures d’adaptation les plus efficaces : virer directement sur le téléphone portable des travailleurs précaires ou indépendants une somme d’argent en cas de vague de chaleur. Dans ses recommandations au G20, elle inclut cette mesure, ainsi que d’autres, pour protéger les plus pauvres des effets mortels du changement climatique. D’après Esther Duflo, il faut environ 500 milliards de dollars par an des pays développés vers les populations les plus pauvres du monde pour y arriver.
Plus près de chez nous, on cherche aussi des mesures pour protéger les travailleurs exposés au dérèglement climatique. En 2024, un décret est passé en France pour déclencher les dispositifs de chômage technique dans le bâtiment lors des journées de vigilance orange canicule. Cela permet de verser aux travailleurs 75% de leur salaire, une indemnité financée par une caisse abondée par les entreprises du secteur. Pour l’instant, la caisse de solidarité a de quoi payer car elle avait à l’origine été créée pour anticiper les chômages techniques à cause des jours de grand froid, de moins en moins nombreux. Mais sur le long terme, on voit bien que si on veut que les gens restent chez eux quand il fait chaud, il sera nécessaire de trouver de l’argent public ou privé. Un monde où finalement il faudra payer les gens… à ne rien faire.