Mise à jour : A la suite du décès d’un gendarme, s’ajoutant au bilan de trois morts, Emmanuel Macron a demandé au gouvernement de déclarer l’état d’urgence en Nouvelle-Calédonie.
La “guerre civile” est relancée sur l’ile principale de l’archipel de Nouvelle Calédonie ! Noumea est à nouveau le théâtre d’une situation d’émeutes et de blocages avec incendies, pillages et milices de populations dressées les unes contre les autres. Il y a quarante ans les affrontements entre indépendantistes kanaks et populations loyalistes avait débouché sur le drame de l’assaut de la grotte d’Ouvéa. En 1988, 19 kanaks avaient été tués ainsi que deux représentants des forces de l’ordre. Dix ans après, les accords de Nouméa ont été signés après de longues et complexes négociations définissant les règles électorales applicables au territoire. Seules les personnes présentes sur l’île avant l’accord ainsi que leurs descendants ont le droit de vote.
Le projet de loi adopté dans la nuit de mardi 14 mai à mercredi 15 mai par l’Assemblée nationale, avec les voix de Renaissance, LR et du RN prévoit d’élargir cette base électorale à ceux qui sont nés sur l’ile en général et ceux qui y résident depuis au moins dix ans. Les indépendantistes kanaks s’opposent au projet mais ont appelé au calme. Ils savent que cette refonte électorale risque de les mettre en minorité puisque la population kanak a tendance à diminuer et que les trois référendums organisés ont donné une majorité à ceux qui veulent rester rattachés à la France. La tension sur place est maximale et il sera d’autant plus difficile de la faire retomber que la modification du corps électoral a remis en lumière des rapports de force économiques et sociaux dans un territoire à près de 18 000 kilomètres de la métropole qui est en train de perdre sa principale source de richesse.
Un quart des salariés en Nouvelle Calédonie travaillent dans le nickel
Près d’un quart des salariés de la Nouvelle Calédonie qui compte moins de 300 000 habitants, travaillent pour la filière du nickel, premier employeur de ce minerai produit pour l’exportation. La demande de nickel devait exploser puisqu’il entre dans la fabrication des batteries pour voitures électriques mais son cours a drastiquement chuté en 2023 (-40 %). Les ventes se sont effondrées. Les opérateurs miniers de l’ile exploitant les trois grandes usines de l’archipel qui ont toutes un niveau d’endettement très élevées, se sont désengagés. Glencore a annoncé son retrait en février 2024 de l’usine du Nord dont elle était actionnaire avec la province mais devait assumer les 13,8 milliards d’euros de perte. L’usine est arrêtée et si elle ne trouve pas de repreneur d’ici l’été près de 2000 salariés seront licenciés. Trafigura s’est retiré de celle qui opère au Sud et qui a une dette de 149 millions d’euros.
Quant à Eramet qui exploite le plus gros producteur local, la Société Le Nickel (SLN), elle a annoncé à l’automne qu’elle ne voulait plus investir dans une usine qui a plus de 500 millions d’euros de dettes. Pour éviter la cessation de paiement, le gouvernement a repris le contrôle en compensant une partie dette et certaines dépréciations d’actifs et lancé un “pacte nickel”. Il est supposé aider à réorienter le nickel calédonien vers les batteries des voitures électriques européennes puisque la Chine s’est massivement tournée vers l’Indonésie. Les négociations autour du Pacte ont provoqué des tensions importantes et un mouvement de grève en janvier, les salariés exigeant beaucoup plus d’engagements de la part de l’industrie. L’accord n’est toujours pas été signé, les indépendantistes expliquant qu’il leur est impossible de voter les 66 millions d’euros de subventions demandés par l’Etat alors que les grandes industries minières disposent de moyens considérables.
Reste que l’extraction du nickel est une activité très polluante aux lourds impacts environnementaux. C’est l’Indonésie qui se taille la part du lion du marché dont elle est devenue la première exportatrice mondiale avec 1,8 million de tonne par an, neuf fois plus que la Nouvelle Calédonie ! Elle focalise du coup l’attention et contribue à reléguer au second plan les difficultés neo-calédoniennes pour qui l’électrification massive du parc automobile et les marchés que cela ouvrait pour le nickel sont restés un mirage. La Nouvelle Calédonie s’enfonce dans une crise majeure sans que la question de l’avenir économique d’un territoire où la population est aussi jeune que désœuvrée, soit franchement posée.