Publié le 28 avril 2020
GOUVERNANCE D'ENTREPRISE
La leçon de management responsable d'Abigail Disney face aux bonus des dirigeants du groupe
La crise du Coronavirus n’est pas une excuse pour Abigail Disney. Dans une longue série de tweets, elle s’emporte contre la direction du groupe fondé par son grand-oncle, Walt Disney, qui a décidé de se séparer de 100 000 salariés pour faire face à sa perte d’activité, tout en se réservant une enveloppe de 1,5 milliards de dollars de bonus. Elle en profite pour donner une leçon de management responsable.

@CCO
C’est un véritable cri de colère qu’a lancé Abigail Disney sur Twitter. La petite nièce de Walt Disney n’a pas pu conserver son calme face à la récente décision du groupe Disney de licencier plus de 100 000 personnes aux États-Unis, en raison de la crise du Coronavirus. Soit près de la moitié des employés de la firme américaine, ce qui permet à Disney d’économiser 500 millions de dollars par mois sur sa masse salariale.
OK, I've been holding my tongue on the theory that a pandemic is no time to be calling people out on anything other than failing us in a public health sense. I thought it might be a moment for peace and reconciliation. But I feel a thread coming on....1/ https://t.co/G1mUq7RmAV
— Abigail Disney (@abigaildisney) April 21, 2020
Mais ce qui ne passe pas auprès d’Abigail Disney, outre le fait de laisser des employés sur le carreau, c’est l’avidité des dirigeants du groupe. "Le véritable scandale, bien sûr, ce sont ces bonus", s’exclame-t-elle. L’enveloppe des bonus, qui constitue la part variable de la rémunération des dirigeants, s’élève à pas moins de 1,5 milliard de dollars. "Cela paierait trois mois de salaire des salariés de première ligne", s’indigne Abigail Disney.
En 25 tweets, Abigail Disney va donner une leçon de bonne gouvernance, de management responsable et, tout simplement, de décence aux dirigeants du groupe. En précisant qu’elle n’exerce aucune fonction dans l’entreprise mais, comme elle le rappelle : "Je suis une héritière. Et je porte ce nom avec moi partout".
Hypocrisie sur les rémunérations
Elle dénonce une forme d’hypocrisie de la part des dirigeants du groupe, qui ont déclaré en mars vouloir diminuer leur salaire en raison de la crise. Elle n’est pas dupe : "La vraie rémunération est dans le reste du package", souligne-t-elle. Le niveau de rémunération des top managers de la firme de Mickey est en effet très élevé, elle avait déjà dénoncé le salaire "insensé" de Bob Iger, le PDG, début 2019. Sa rémunération est 900 fois plus élevée que le salaire médian du groupe.
Bob Chapek, le nouveau PDG du groupe, va bénéficier d’un bonus annuel égal à 300 % de son salaire, en plus d’une poche de rémunération à long terme de 15 millions de dollars. Le tout, alors que la performance de l’entreprise sera fortement affectée par la crise.
Ces packages de rémunération sont censés récompenser les efforts que les dirigeants ont réalisé pour développer l’entreprise et en faire une société florissante. Mais, alors qu’une crise sans précédent frappe l’économie mondiale, Abigail Disney s’étonne que le groupe ne soit pas capable d’y faire face sans licencier.
L’une des raisons se cache sans doute, selon elle, dans les programmes de rachats de ses actions par l’entreprise qui se sont élevés, entre le 31 mars 2018 et le 30 juin 2019, à 11,5 milliards de dollars. Les rachats d’actions permettent d’augmenter la valeur de l’action, donc de rémunérer les actionnaires et… le management dont une partie du package de rémunération est constituée d’actions.
Transformer l’entreprise
Or une partie de ces 11,5 milliards de dollars auraient sans doute pu être mis en réserve pour faire face à un coup dur. "On n’aurait pas pu prévoir la crise (…). Mais n’importe qui aurait pu prévoir une crise. C’est l’une des choses que les dirigeants responsables font", rappelle-t-elle.
Son intention n’est pas de tout casser, mais de transformer l’entreprise. "Cette entreprise doit faire mieux", écrit celle qui défend souvent un capitalisme plus humain. Alors que la crise du Covid-19 est en train de rebattre les cartes de l’économie mondiale, son témoignage fait écho à de nombreuses initiatives pour transformer l’économie, lutter contre les inégalités et mieux prendre en compte toutes les parties prenantes de l’entreprise.
Arnaud Dumas, @ADumas5