Publié le 02 mai 2019
GOUVERNANCE D'ENTREPRISE
L’héritière Disney dénonce le salaire "insensé" et "destructeur" du PDG du groupe
Bob Iger, PDG de Disney, va toucher 65 millions de dollars de rémunération en 2018. Pour l’une des héritières de Disney, ce salaire "insensé" est nocif pour la société. De son côté, l’entreprise assure qu’elle met en œuvre des actions en faveur de salariés. Pourtant, les revenus du dirigeant sont 1 400 fois plus élevés que le salaire médian.

@Alberto ERrodriguez-Gettyimagesnorthamerica-afp
Disney est devenu une énorme machine à cash. Le géant mondial du divertissement va encore battre tous les records avec la sortie de "Avengers Endgame" qui est déjà en train de battre tous les records du box-office à peine une semaine après sa sortie. Cela justifie-t-il pour autant les émoluments du PDG, Bob Iger ? Pour l’année 2018, celui-ci a reçu 65 millions de dollars (environ 58 millions d’euros).
Sa rémunération totale a progressé de 80 % par rapport à 2017 et est 1 424 fois plus élevée que le salaire médian de la firme aux grandes oreilles. Les émoluments du grand parton, à la tête de l’entreprise depuis 14 ans, est indexé sur le chiffre d’affaires, soit quelque 60 milliards de dollars l’année passée. Mais pour Abigail Disney, la richissime héritière de la société et petite-nièce de Walt Disney, ce montant est inapproprié, même si elle ne critique pas directement Bob Iger qui est qualifié "d’homme bon".
Ce salaire est "insensé" et a un "effet destructeur sur la société", juge-t-elle. Elle illustre son propos en expliquant : "Quand il a reçu son bonus l'année dernière, (…) il aurait pu donner personnellement, de sa poche, une augmentation de 15 % à toutes les personnes qui travaillaient à Disneyland, tout en obtenant 10 millions de dollars. (…) Il y a une catégorie de personnes - je suis désolé, cela est radical - qui ont trop d’argent."
Responsabilité sociétale des entreprises
De son côté, un porte-parole de Disney a répondu au magazine d’affaires Fast Company. "Disney a réalisé des investissements historiques pour accroître le potentiel de revenus et la mobilité ascendante de nos salariés, en appliquant un salaire horaire de départ de 15 dollars chez Disneyland, soit le double du salaire minimum fédéral. L’entreprise a engagé 150 millions de dollars dans une initiative de formation innovante offrant à nos employés possibilité d'obtenir un diplôme d'études ou professionnelles totalement gratuit."
L’héritière Disney se revendique de plus en plus comme une activiste en faveur de la responsabilité sociétale des entreprises et d’un capitalisme plus inclusif. L’année dernière, elle avait ainsi critiqué vertement la réforme fiscale de Donald Trump qui lui aurait permis de transmettre 20 millions d’euros à ses enfants sans aucune charge fiscale. Elle expliquait : "Mon taux d’imposition est de moins de 20 %, alors que celui de mon assistante, qui n’a pas mes moyens, est de 28 %. Ce n’est pas correct".
Insoutenable concentration des richesses
Cette affaire Disney intervient alors que de nombreuses polémiques sont en cours sur la rémunération des grands patrons. En France, Emmanuel Faber, le PDG de Danone a pris conscience de cet enjeu en renonçant lors de l’AG du groupe à se retraite chapeau et ses indemnités de non-concurrence, un package à 28 millions d’euros. Il s’est justifié en arguant de "l'insoutenable concentration des richesses dans le monde, véritable bombe à retardement".
Dans d’autres groupes, ces débats sont houleux. Thierry Pilenko, patron de TechnipFMC (fleuron français passé entre des mains américaines), part avec 14 millions d’euros alors que l’entreprise affiche une perte de 1,9 milliard. L’Allemand Tom Enders, président exécutif du groupe Airbus, cumule une retraite chapeau et une indemnité de non-concurrence pour un total de près de 37 millions d’euros. Les actionnaires de Kering viennent d’approuver, à 78% des voix, la rémunération du PDG François-Henri Pinault, d'un montant de 21,8 millions d'euros pour 2018 contre 2,7 millions au titre de 2017.
Ludovic Dupin @LudovicDupin