Publié le 11 février 2020
FINANCE DURABLE
BlackRock critique le bilan environnemental de Siemens, impliqué dans une immense mine de charbon australienne
Pour la première fois, BlackRock est monté au créneau pour dénoncer la politique anti-climatique d’un industriel dont il est actionnaire : Siemens. Si la critique est mesurée, elle pèse lourd venant du plus grand gestionnaire d’actifs de la planète, décidé à verdir ses pratiques. Toutefois, le chemin pour convaincre va être long, tant il existe de la défiance dans la population vis-à-vis de cette entreprise, devenue symbole de la finance.

@BernardHartung/Greenpeace
[Mis à jour le 11 février] Dans sa dernière lettre annuelle aux dirigeants d’entreprises , Larry Fink a assuré vouloir faire de l’investissement durable la norme. "Nous estimons que l’investissement durable représente désormais le meilleur gage de robustesse pour les portefeuilles des clients", écrivait ainsi Larry Fink. Selon lui, le changement climatique constitue une "crise beaucoup plus structurelle et de plus long terme", que toutes les crises économiques rencontrées auparavant.
Une promesse sur laquelle le plus grand gestionnaire d’actifs au monde, qui gère 7000 milliards de dollars, était attendu au tournant, car il n’a jamais fait preuve d’un réel engagement actionnarial. Le premier gage en ce sens a été fait lors de l’Assemblée générale de Siemens début février. À cette occasion, BlackRock a vertement critiqué l’industriel pour sa participation dans la mine de charbon Carmichael en Australie, construite par l’Indien Adani.
Cette infrastructure de deux milliards de dollars, outre son futur impact climatique, menace une partie de la grande barrière de corail. En décembre, Siemens a conclu un contrat à 18 millions de dollars pour assurer l’ingénierie et la construction des voies de chemin de fer qui conduiront la production des 27 millions de tonnes de charbon annuelles vers les terminaux d’exportation du Queensland.
Des processus d’examens déficients
Un vent de colère s’est levé en Allemagne forçant le groupe à réunir son conseil d’administration. Le PDG Joe Kaeser avait alors reconnu ne pas avoir été tenu au courant de ce projet, "probablement compte tenu de sa modestie", mais qu’il "aurait probablement dû". Toutefois, il ajoute: "Nous devons remplir nos engagements contractuels", assure-t-il. "Bien que j'aie beaucoup d'empathie pour les questions environnementales, je dois équilibrer les différents intérêts des différentes parties prenantes". "Tenir nos promesses est la priorité absolue de Siemens", justifie-t-il.
Même BlackRock n’a pas été convaincu par cette défense du business coûte que coûte. "Si Siemens a suivi son processus d'examen interne du projet, il est néanmoins clair qui il y a un besoin d’examens plus approfondis des risques potentiels, y compris les risques ESG (Environnementaux, Sociaux et de Gouvernance), présentés par les projets futurs", prévient le gestionnaire d'actifs. Une prise de position inédite de l’entreprise américaine. Toutefois, ce sera un avertissement sans frais puisque l’Américain a voté en faveur du PDG de Siemens.
Des votes à revoir
Cette position s’inscrit dans la décision de BlackRock en janvier de rejoindre l’initiative Climate100+. Lancée en décembre 2017, cette coalition d’investisseurs internationaux, représentant 41 000 milliards d’actifs sous gestion, a pour ambition de pousser les entreprises les plus émettrices de gaz à effet de serre à muscler leur stratégie sur le climat pour atteindre la neutralité carbone. Reste que Black a encore beaucoup de chemin à parcourir.
En 2019, l’ONG Majority Action a passé en revue la politique de vote en Assemblée générale de 25 sociétés de gestion, pour voir comment celles-ci se positionnaient sur le climat. BlackRock a fini bon dernier en ayant voté que cinq résolutions sur les 41 proposées pendant la saison des Assemblées générales 2019. BlackRock avait même voté contre trois résolutions actionnariales expressément soutenues par Climate Action 100+…
Arnaud Dumas @ADumas5 et Ludovic Dupin @LudovicDupin