Publié le 27 janvier 2021
FINANCE DURABLE
Le puissant gestionnaire d'actifs BlackRock appelle les entreprises à la neutralité carbone et à la justice sociale
BlackRock est le plus grand gestionnaire d’actifs de la planète. Alors chaque année, la lettre ouverte du PDG Larry Fink aux entreprises dont il est actionnaire est très attendue. Cette année, celui-ci frappe fort en appelant toutes les sociétés à la neutralité carbone d’ici 2050. Il lie aussi de près la question du changement climatique à celle des inégalités sociales.

@BlackRock
C’est un rendez-vous devenu rituel. Depuis 2008, le patron de BlackRock, Larry Fink, adresse chaque année une lettre aux entreprises dont il est actionnaire. Le message est important venant d’une entreprise qui gère plus 8 600 milliards de dollars d’actifs (plus de deux fois le PIB allemand, trois fois le PIB français) . Depuis 2018, le grand patron a verdi sa missive appelant à lutter contre le réchauffement. Le cru 2021, sur fond de crise économique mondiale pour cause de pandémie, était très attendu.
As more and more companies, investors and governments focus on the goal of a #netzero economy, a fundamental transformation is underway. Learn more: https://t.co/JwogqqQbKE pic.twitter.com/vTEzY7sedw
— BlackRock (@blackrock) January 26, 2021
"Je pense que la pandémie a provoqué une telle crise existentielle, un tel rappel tangible de notre fragilité, qu'elle nous a également contraints à relever plus vigoureusement le défi mondial que constitue le changement climatique et à réfléchir à la façon dont, à l'instar de la pandémie, il risque de bouleverser nos vies", écrit-il. Dans ce contexte, il se réjouit que des milliers d’entreprises aient continué à œuvrer pour le climat et que 127 pays, dont la Chine et les États-Unis, se soient engagés vers la neutralité carbone.
Nouveau modèle économique
Mais ce combat de certains doit devenir le combat général, explique le dirigeant. "Nous savons que le risque climatique est un risque d’investissement. Mais nous pensons également que la transition climatique fait naître une opportunité d’investissement historique", explique-t-il. Aussi, BlackRock demande aux entreprises dans lesquelles il investit (40 % des entreprises américaines, 50 % du CAC40…) de "publier un plan indiquant comment leur modèle économique sera compatible avec une économie neutre en carbone". "Nous vous demandons de préciser la façon dont ce plan est intégré à votre stratégie à long terme", explique-t-il. La société de gestion américaine s'engage également sur la voie de la neutralité carbone d'ici 2050 sur ses activités et ses investissements.
Au-delà du seul climat, c’est aussi l’aspect social qui est visé. "La pandémie a accéléré l’évolution de certaines tendances plus profondes, comme (…) les inégalités systémiques", constate Larry Fink. "Les questions de justice raciale, d’inégalité économique ou d’engagement auprès des collectivités sont souvent classées dans la catégorie S de l’acronyme ESG (Environnement, Social, Gouvernance, ndr). Mais il est inopportun de dresser des frontières aussi nettes entre ces catégories. Par exemple, le changement climatique produit déjà des effets disproportionnés sur les populations à faible revenu", explique le dirigeant. Il appelle les entreprises à avoir un reporting précis pour mieux comprendre les "interdépendances qui existent entre les enjeux environnementaux et sociaux".
Encore engagée dans le pétrole
Si l’engagement de BlackRock est globalement salué, certaines ONG émettent quelques bémols. "Le nouvel engagement de Larry Fink en faveur de la neutralité carbone pourrait être une étape positive, si elle était associée à des mesures concrètes et immédiates pour arrêter d'investir dans des nouveaux projets d’énergies fossiles", déplore, Lara Cuvelier de Reclaim Finance. L’ONG avait pointé du doigt mi-janvier que BlackRock gère encore 85 milliards de dollars investis dans l'industrie du charbon.
De son côté, l’ONG Influence Map, spécialiste du lobbying, juge que "l’accent mis par Larry Fink sur la nécessité de passer à une économie neutre en carbone est un signal important adressé au marché". Mais le directeur Dylan Tanner tempère : "Il est décevant que sa lettre annuelle aux PDG d’entreprises ne se concentre pas sur les pratiques de lobbying des entreprises qui agissent si souvent comme un obstacle à un changement significatif".
Ludovic Dupin @LudovicDupin