Publié le 23 novembre 2018
FINANCE DURABLE
Climate Finance Day : Les évènements se multiplient, les engagements aussi mais avec quel impact ?
"Get up, Scale up", tel est le défi lancé par le Climate Finance Day à ceux qui prendront la parole dans cet évènement organisé le 28 novembre à Paris par Finance for Tomorrow, (initiative de la place de Paris à laquelle participe Novethic). Cela peut se traduire par "Passez à l’action et changez d’échelle". L’objectif est de continuer à faire grandir une vague née en 2015, au premier Climate Finance Day.

@EricPiermont/AFP
En 2015, lors du premier Climate Finance Day, AXA avait annoncé exclure de ses investissements une partie du secteur du charbon et entrainé ainsi un mouvement de mobilisation parmi ses pairs. C’est aujourd’hui une pratique très répandue comme en témoigne le bilan de l’action climatique du secteur financier réalisé par Maria Scolan et Pierre Ducret publié par Climate Chance.
"L’action en faveur du climat du secteur financier repose sur trois dimensions » explique Maria Scolan, experte climat à la Caisse des Dépôts. « Les stratégies des acteurs, les opportunités de marché, l’action des régulateurs financiers. Nous sommes dans un contexte où le Conseil de stabilité financière du G20 estime que le changement climatique apporte des risques financiers à part entière qui menacent non seulement les acteurs eux-mêmes mais aussi potentiellement les systèmes financiers".
Transformer en profondeur le mode opératoire
Pour cette raison, les acteurs financiers sont au pied du mur. Le panorama de cette action climatique côté finance publique et privée, dresse un tableau paradoxal à l’image de beaucoup d’autres secteurs. La notion de risque est globalement comprise mais pas forcément suffisamment évaluée et quantifiée pour modifier les stratégies et surtout les investissements eux-mêmes. La part verte reste faible dans la sphère privée (moins de 1 % des actifs des 500 plus gros acteurs financiers mondiaux). Elle est plus importante pour les banques publiques de développement dont un quart des financements en 2017 étaient destinés au climat.
Mais l’essentiel reste à faire et dans un temps très court puisque le GIEC nous donne une dizaine d’années pour agir. Pour réorienter massivement les capitaux vers des modèles économiques compatibles avec l’objectif de 2 degrés, il faut transformer en profondeur le mode opératoire des acteurs financiers. Au premier regard, le changement semble à l’œuvre puisque les événements qui accueillent des acteurs financiers de haut niveau venus témoigner de leurs engagements sur la finance durable, se multiplient. Ils seront ainsi plus de 150 réunis à Paris pour trois jours dédiés à la finance durable au sein du Palais Brongniart, ancien temple de la Bourse.
Mais quels impacts ont toutes ces annonces sur l’économie réelle, sur les entreprises qui elles doivent réduire directement leurs émissions comme sur les infrastructures qui doivent pouvoir passer des énergies fossiles aux renouvelables. Jusqu’où et comment désinvestir du charbon permet de décarboner l’économie ? La question mérite d’être posée quand on constate qu’elle a favorisé l’émergence de tycoon du charbon en Europe de l’Est et que les émissions liées au charbon n’ont pas diminué dans le monde en valeur absolue.
Du temps, des méthodologies, de la prudence
Jusqu’où et comment les investisseurs harcèlent-ils les entreprises pour les réorienter vers une transition forte et rapide ? Jusqu’où et comment ont-ils revu leurs modèles de risque pour financer des actifs verts là où il y en a le plus besoin c'est-à-dire dans les pays vulnérables qui sont particulièrement nombreux en Afrique ?
Pas si vite répondent les investisseurs, il faut du temps, des méthodologies, de la prudence…C’est vrai mais en plein bras de fer entre gilets jaunes et défenseurs d’une transition juste défendue par Nicolas Hulot, il serait urgent de ne pas se limiter aux incantations pour passer à l’implémentation.
C’est l’une des vertus de ces grands événements. Ils mobilisent toutes les équipes au sein des institutions dont les dirigeants prennent la parole pour mesurer les progrès accomplis et préparer les prochaines étapes. C’est un grand pas vers un déploiement effectif qui peut permettre de faire de la finance durable la norme de marché comme Philippe Zaouati, le président de Finance For Tomorrow, l’appelle de ses vœux.
Anne-Catherine Husson-Traore, @AC_HT, Directrice générale de Novethic