Publié le 16 septembre 2019
La réponse du London Stock Exchange est claire et nette : c'est non. L'offre de rachat dans laquelle s'est lancée la Bourse de Hong Kong sur son homologue britannique est jugée trop basse par Londres. Le chinois met plus de 35 milliards d’euros sur la table pour racheter le London Stock Exchange. Hong Kong profite pourtant déjà de la faiblesse de la Livre Sterling, due en partie au Brexit, pour faire son offre.
[Mise à jour le 16 septembre 2019] La Bourse de Hong Kong a fait mercredi 11 septembre une offre surprise de mariage sur sa rivale de Londres pour 32 milliards de livres, s'interposant ainsi dans ses fiançailles avec Refinitiv. Un tel rapprochement créerait un groupe avec "une assise mondiale, des actifs diversifiés, idéalement positionné pour profiter de l'évolution du paysage macroéconomique", et créer une liaison entre les marchés de l'est et de l'ouest, estime la Bourse de Hong Kong.
Pour s’offrir la londonienne, Kong Kong est prêt à mettre le paquet. Le Hong Kong Exchanges and Compensation (HKEX), la société qui gère la place de marché hong-kongaise, propose 83,61 livres par action du London Stock Exchange (LSE), bien au-dessus du cours actuel. Pour les plus de 350 millions de titres du groupe britannique, cela représente 31,6 milliards de livres (plus de 35 milliards d’euros) en incluant la dette de quelque 2 milliards. Cette demande en mariage surprise a fait bondir l'action du LSE de 5,91 %, mais nombre d'analystes soulignaient que l'envolée aurait été supérieure si les chances de succès de l'opération ne semblaient pas ténues.
Des obstacles politiques


La stratégie de la bourse chinoise risque en effet de déplaire au 10, Downing Street. L’économie britannique repose en grande partie sur l’industrie financière, dont le London Stock Exchange représente le fer de lance. Neil Wilson, analyste chez Markets.Com, juge que l'offre audacieuse a peut-être été encouragée par la baisse de la livre, qui rend les entreprises britanniques plus vulnérables aux tentatives de rachat. Il anticipe que "le gouvernement britannique ne voudra peut-être pas voir un tel symbole (...) et actif stratégique être détenu par des étrangers". D'autant que cela "l'offrirait aux Chinois par la porte arrière de Hong Kong", sans compter que "l'Union européenne a son mot à dire pour l'instant au moins" et que les Etats-Unis risquent "de ne pas aimer ça du tout".
Hong Kong reste optimiste. La présidente du HKEX Laura Cha a fait valoir que les deux places boursières étaient très complémentaires et qu'elle n'attend donc pas beaucoup d’obstacles du côté des régulateurs. Face aux craintes politiques qu'un rachat de l'emblématique Bourse de Londres par sa concurrente de Hong Kong pourrait susciter, Mme Cha a assuré que le LSE "continuerait à être régulée par la FCA" (Financial Conduct Authority), l'autorité des marchés britannique. "Si vous regardez notre historique de propriétaire responsable du London Metal Exchange", la plateforme d'échanges spécialisée dans les métaux qu'elle a rachetée en 2012, "tout ce que nous avons fait c'est d'y investir, de l'améliorer", a-t-elle argumenté.
La proie et le chasseur


Les représentant du LSE n'ont pas attendu longtemps pour faire connaître leur position. Dans un communiqué du 13 septembre, ils expliquent "le conseil voit des problèmes fondamentaux dans certains aspects clé de cette proposition conditionnelle : la stratégie, la faisabilité, la proposition et la valorisation." Dans sa lettre de rejet de l'offre, le London Stock Exchange pointe la faiblesse de l'offre chinoise qui ne valorise pas suffisamment le LSE et souligne le fait qu'une telle offre serait soumise à de nombreux examens réglementaires, qui rendrait un tel mariage extrêmement complexe.
Mais c'est surtout l'aspect stratégique qui chagrine Londres. L’offre de la Bourse de Hong Kong tombe mal pour la Bourse londonienne, qui s’imaginait plutôt dans la position du chasseur que de la proie. Le LSE est en pleine négociation pour le rachat de Refinitiv, le fournisseur d’informations financières américain, pour 27 milliards de dollars. Ce mariage fait suite à l'échec d'une tentative de fusion à 21 milliards de livres du LSE avec le groupe boursier allemand Deutsche Börse, bloquée par les régulateurs européens en 2017. Le rachat de Refinitiv doit permettre au LSE de concurrencer l’américain Bloomberg dans les salles de marché, même s’il est encore suspendu au feu vert des autorités de réglementation et à l’approbation des actionnaires du LSE.
Pour Hong Kong, pas question de laisser la transaction avec Refinitiv se faire. Le nouveau groupe risquerait en effet d’être bien trop cher pour la bourse chinoise. Charles Li, le directeur général du HKEX, a insisté sur le fait que son offre ne tenait qu’à condition que le projet de mariage avec Refinitiv "ne se poursuive pas".
La rédaction avec AFP
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