Publié le 17 mars 2014
ENVIRONNEMENT
Santé publique : l'industrie agroalimentaire devra mettre la main à la pâte
En cinq ans, seules 30 entreprises se sont engagées dans le Plan national nutrition santé. Un rapport propose à la ministre de la santé de passer à la vitesse supérieure. Trois règlementations pourraient s'imposer à l'industrie agroalimentaire : un code couleur sur les étiquettes, l'instauration d'une TVA pour les produits trop caloriques et une régulation de la publicité.

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Une large littérature scientifique l'atteste : la nutrition est impliquée dans le développement des maladies chroniques (maladies cardio-vasculaires, diabète, obésité, etc.). C'est donc un enjeu majeur de santé publique, mais aussi de coût alors que les traitements s'élèvent chaque année à plusieurs dizaines de milliards d'euros. Pour améliorer l'accès aux produits sains, le plan national nutrition et santé (PNNS) associe actuellement les industries agroalimentaires de manière volontaire. Mais dans un rapport remis fin janvier à la ministre de la Santé Marisol Touraine, le président du PNNS préconise, lui, la mise en place d'une règlementation. Un avis du Conseil économique, social et environnemental (Cese) publié simultanément va dans le même sens. Le message est clair : l'autorégulation n'a pas suffit à changer les pratiques des industriels et ces dernières restent en partie responsables de la malbouffe et des problèmes de santé publique qui vont avec.
« L'incitation montre ses limites »
Actuellement, la principale mesure du PNNS à l'attention des entreprises porte sur les « chartes d'engagement de progrès nutritionnel ». À travers celle-ci, un industriel s'engage à améliorer la qualité de ses produits en réduisant le sucre, le sel ou les graisses ou en augmentant sa teneur en fibres... Depuis 2008, 30 chartes ont été singées avec le ministère de la santé. Ce qui aurait pu être un bon début a tourné court puisqu'aucune charte n'a été enregistrée en 2013. Par ailleurs, certains industriels ne s'engagent que sur un seul produit, comme Lu avec les biscuits Princes. « L'incitation montre ses limites car les chartes n'ont pas réussi à mobiliser l'ensemble des grands fabricants », explique Serge Hercberg, président du PNNS et auteur du rapport. Danone est absent et Nestlé n'a signé que pour sa gamme « nutrition infantile ». Dans les marques distributeurs, seul Casino s'est engagé (liste disponible ici). Autre limite du PNNS, l'incitation à réduire la publicité à destination des enfants a peu marché. « Si on note bien une baisse des spots pour certains produits dans les programmes enfants, globalement la part de la publicité pour les produits alimentaires a augmenté de 13 % entre 2012 et 2013 », estime Marine Friant-Perrot, juriste spécialiste du marketing alimentaire à l'Université de Nantes.
Taxer les produits trop caloriques
C'est donc sur la base du score nutritionnel des aliments -soit sur leur teneur en sucre, sel, matière grasse et calories- que le président du PNNS propose d'une part de créer un code couleur sur les étiquettes et packaging des produits pour une meilleure information du consommateur et, d'autre part, d'instaurer une TVA différenciée qui permettrait de compenser les prix bas des produits très caloriques. Il faut en effet savoir que les inégalités sociales en matière de santé se creusent : si l'obésité tend à stagner en France, elle continue d'augmenter parmi les populations défavorisées. « Une partie du produit de la taxe pourrait servir à subventionner les fabricants de produits sains », propose ainsi Serge Hercberg.
Une troisième piste repose sur la régulation de la publicité : les pubs pour les produits trop caloriques seraient interdites entre 7h et 22h (voir l'entretien: "la France doit encadrer la publicité pour lutter contre l'obésité". « Toutes ces mesures poussent les fabricants à améliorer leur offre », explique Serge Hercberg. En améliorant le score nutritionnel d'un produit, l'industriel verrait en effet ses étiquettes virer au vert, ses taxes diminuer proportionnellement et la publicité s'ouvrir. Les intéressés ne semblent cependant pas convaincus : aucune des entreprises contactées par Novethic n'a voulu réagir aux propositions règlementaires du professeur Hercberg.
« Il est évident que le lobby de l'agroalimentaire refuse toute amélioration de l'information des consommateurs sur la qualité nutritionnelle des produits », s'offusque pour sa part l'association de défense des consommateurs CLCV. Dans un communiqué du 10 mars 2014, cette dernière accuse l'Association nationale des industries alimentaires (Ania) (sur la base d'un mail) d'avoir manipulé un sondage en ligne sur l'intérêt du code couleur proposé par Serge Hercberg, « afin de faire pencher la balance en défaveur de ce nouvel étiquetage ».