Publié le 13 octobre 2023
ENVIRONNEMENT
Après les algues vertes sur les plages, voici les algues bleues dans les lacs des montagnes
Nos hauts sommets sont-ils aussi malades ? Un signal d’alarme vient d’être lancé par une équipe de chercheurs de l’Institut national polytechnique (INP) de Toulouse. Dans une étude publiée récemment, ils alertent sur la prolifération des cyanobactéries, ou "algues bleues", dans les lacs de haute montagne. Un bouleversement aux lourdes conséquences pour l’humain et la nature.
Dirk S. Schmeller / Youtube Les montagnes - une source fragile de la vie
Il y a déjà les algues vertes, fortement médiatisées par la sortie du film de Pierre Jolivet au cinéma. C'est au tour désormais des "algues bleues" d'envahir nos plans d'eau (rivières, étangs, lacs,… ), en raison du développement de cyanobactéries. Et cette prolifération inquiète les autorités sanitaires depuis quelques années. La raison ? Ces micro-organismes présentent un risque pour la santé des humains et des animaux.
Et fait nouveau, ces cyanobactéries pullulent désormais aussi en altitude, notamment dans les lacs des Pyrénées, alors qu'elles n'étaient jusqu’à présent signalées qu'en plaine. C'est ce qu’a récemment révélé l'étude menée par six chercheurs de l’Institut national de polytechnique (INP) de Toulouse, et publiée dans la revue Water Research.
Que nous apprend cette nouvelle étude ?
En partant de l’analyse du biofilm, cette couche quelque peu gluante à la surface des pierres au fond des lacs, dans 26 lacs situés entre 1 000 et 2 400 mètres d’altitude, l’équipe de recherche a observé que la composition de ces amas structurés de cellules bactériennes a fortement changé en l’espace de cinq ans (2016 à 2020), avec une perte considérable de biodiversité. Or, ces biofilms sont essentiels au maintien de la qualité de l’eau.
Ce changement dans la biodiversité de ces biofilms est inquiétant, comme l’explique auprès de Novethic Hugo Sentenac, chercheur au laboratoire d’Écologie fonctionnelle et environnement de Toulouse. "Au cours de ces cinq années, les cyanobactéries ont eu tendance à prendre de plus en plus de place au détriment d’autres espèces, comme les diatomées", expose-t-il. "Ce n’est pas bon signe car c’est symptomatique d’un écosystème qui se dégrade". En effet, ce résultat va à l’encontre de l’idée reçue que l’on peut avoir sur la pureté et qualité des points d’eau en altitude.
Comment expliquer cette prolifération ?
Pour expliquer cette prolifération des cyanobactéries, les chercheurs ont identifié trois grands facteurs. Le premier (et non des moindres) : le réchauffement climatique d’origine anthropique. "Nos données montrent qu’il y est intense dans les montagnes, où il fait de plus en plus chaud", note Hugo Sentenac. Ce qu’elles apprécient, surtout lorsque la température de l’eau est supérieure à 20°C. Ce qui arrive de plus en plus régulièrement. "Une aubaine pour les algues", signale Dirk S. Schmeller, co-auteur de l’étude.
À cela s’ajoute la pollution chimique soit par dépôts atmosphériques, soit par rejets agricoles. "Les cheptels d’ovins et/ou de bovins viennent uriner et déféquer dans ces points d’eaux, ce qui est un véritable engrais pour ces algues". Enfin, l'empoissonnement des lacs par les fédérations de pêche vient également perturber cet écosystème.
Pourquoi leur prolifération est-elle inquiétante ?
"L’addition de ces facteurs est très préoccupante" pour les auteurs de cette étude qui souhaitent que leurs recherches servent de "signal d’alarme" pour réduire dès à présent les pressions humaines exercées sur ces lacs et leur permettre de se régénérer naturellement. Car "ces lacs de montagne sont nos châteaux d’eau naturels", s’inquiète Hugo Sentenac. "Donc plus nous tardons à agir, plus nous devrons investir dans nos centrales de traitement et de distribution afin de purifier l'eau et la rendre potable".
Bien qu'a priori non-mortels pour l’humain, ces micro-organismes deviennent néanmoins toxiques lorsqu’ils sont trop nombreux. Leur présence dans l’eau fait donc courir un risque non négligeable pour la santé humaine et celle de la faune. Plusieurs morts de chiens ont d'ailleurs déjà été recensés à l’Est des Pyrénées.