Publié le 29 juin 2023
ENVIRONNEMENT
Des années extrêmes à +3°, une trajectoire inévitable en France, selon le Haut conseil pour le climat
Le Haut conseil pour le climat (HCC), organe consultatif mis en place par Emmanuel Macron, vient de publier son désormais traditionnel rapport annuel. Celui-ci passe au crible l'action du gouvernement en matière climatique. Et encore une fois, la trajectoire n'est pas la bonne, aucun secteur n'est sur la bonne voie. Alors que l'année record de 2022 est appelée à devenir la norme, la France ne se prépare pas suffisamment aux conséquences de la crise climatique, alerte le HCC.

RAYMOND ROIG / AFP
"L’année 2022 a été l’année de tous les records, symbole de l’intensification des effets du changement climatique sur la France", rappelle la climatologue Corinne Le Quéré, à la tête du Haut conseil pour le climat (HCC), en introduction de la présentation du nouveau rapport annuel de l'organisme consultatif, mis en place par Emmanuel Macron en 2019.
2022 a en effet été exceptionnellement chaude avec un réchauffement de +2,9°C par rapport à 1900-1930 selon les données de Météo-France. "C’est le réchauffement moyen que nous aurons en France en 2050-2060 dans un scénario 2°C", insiste la spécialiste, qui appelle à prendre la mesure de l’urgence.
Et d’énumérer les nombreuses conséquences liées à cette température exceptionnelle : trois vagues de chaleur, un déficit de précipitations de 25% en métropole, des rendements agricoles en baisse de 10 à 30%, une production hydro-électrique qui a chuté de 20%, 2 000 communes qui ont connu de fortes tensions sur l’eau potable, 72 000 hectares brûlés, 2 816 décès en excès liés à la chaleur, 65 cas de dengue… La liste est longue.
"La France n’est pas prête"
"La France est particulièrement exposée aux conséquences du réchauffement climatique, mais n’est pas prête à y faire face", tranche le HCC. Le réchauffement moyen en France a atteint +1,9°C sur la dernière décennie (2013-2022), bien au-dessus du niveau mondial, qui se situe à +1,15°C sur la même période. Et la trajectoire actuelle ne montre pas vraiment d’inflexion. Un réchauffement de près de 2°C à l’horizon 2030, avec une fourchette haute à 2,3°C (en moyenne sur 20 ans, par rapport 1850-1900), est pratiquement inévitable pour la France, et des années extrêmes approchant les 3°C (comme en 2022) de plus en plus fréquentes, alertent les spécialistes.
Malgré une baisse des émissions en 2022 (-2,7% sur un an), le deuxième budget carbone sur la période 2019-2022 est ainsi en voie d’être dépassé pour les émissions nettes, en raison de la diminution de l’absorption du CO2 par les puits de carbone (-21% en 2021). Ainsi, le HCC estime que le rythme de réduction des émissions de la France doit presque doubler pour atteindre les objectifs européens Fit for 55 en 2030, et que les puits de carbone doivent fortement augmenter.
"Aucun secteur n’est un bon élève"
Problème : "Aucun secteur n’est un bon élève et sur les 34 indicateurs étudiés, seuls trois avancent plus vite que prévu pour des raisons non-conjoncturelles", résume Corinne Le Quéré qui appelle le gouvernement à mettre en œuvre "une politique économique d’ampleur pour répondre à la hauteur des enjeux". La consommation des véhicules thermiques croît du fait de l’augmentation du poids des voitures, et l’électrification des véhicules se déploie trop lentement. La consommation d’énergie dans les bâtiments diminue trop lentement, et l'augmentation de la production des énergies renouvelables électriques est trois fois trop lente. Les puits de carbone des forêts diminuent à cause de l’augmentation de mortalité et de la moindre croissance des arbres, pointe le rapport.
"On a dépassé la politique des petits pas mais on n’est pas non plus au pas de course car il y a des blocages dans tous les secteurs", ajoute la présidente du HCC. Au niveau de l’Union européenne, la Cour des comptes a elle aussi alerté lundi 26 juin sur le fait que les objectifs climatiques européens pour 2030 avaient "du plomb dans l'aile". "Nous n'avons trouvé que peu d'éléments laissant penser que les ambitieux objectifs 2030 donneront lieu à des actions suffisantes. Rien n'indique qu'un financement suffisant sera à disposition", relève l'institution basée au Luxembourg. Au niveau mondial, la déforestation continue de progresser avec en moyenne l’équivalent d’un terrain de football de forêt vierge détruit toutes les cinq secondes en 2022.