Publié le 12 octobre 2015

ENVIRONNEMENT

COP21 : les 100 milliards à portée de main

A Lima, au Pérou, les banques multilatérales viennent d’annoncer qu’elles consacreraient 15 milliards de dollars supplémentaires au climat d’ici 2020. L’enjeu est de donner du crédit à la promesse faite en 2009 par les pays du Nord de verser 100 milliards de dollars aux pays du Sud pour les aider à lutter contre le changement climatique. A 50 jours de la COP21, les annonces et les estimations chiffrées se multiplient afin de restaurer la confiance des pays en développement et parvenir à un accord à Paris pour limiter le réchauffement de la planète à 2°C.

Les ministres des Finances du G20 se sont réunis à Lima le 9 octobre. Au menu des discussions : le financement du changement climatique
Anadolu Agency/AFP

La course aux 100 milliards est lancée. Ce week-end, en marge des assemblées annuelles du Fonds Monétaire International (FMI) et de la Banque Mondiale à Lima, au Pérou, les banques de développement, très attendues sur cette question, ont promis environ 15 milliards de dollars supplémentaires en faveur du climat à l’horizon 2020. Le ministre des Finances français Michel Sapin les avait explicitement ciblées juste avant les réunions du FMI et de la Banque mondiale où le climat s'est hissé en haut de l'agenda, avec en point d'orgue un déjeuner de travail vendredi réunissant des dizaines de ministres ou banquiers.

Pour la France, qui accueille la conférence climatique internationale en décembre, cette course aux milliards est une des clés du succès de la COP21. L’enjeu est de réussir à mobiliser, au sein des pays développés, 100 milliards de dollars chaque année à partir de 2020 pour aider les pays en développement à mener leurs actions de lutte contre le réchauffement climatique. Cet engagement, pris à Copenhague en 2009, est un point capital pour obtenir la confiance des pays du Sud et espérer parvenir à un accord à Paris.

 

La Banque mondiale pourrait mobiliser jusqu’à 29 milliards de dollars

 

Ce week-end la Banque mondiale a donc annoncé qu'elle pourrait accroître son financement en faveur du climat et passer de 10,3 milliards de dollars aujourd’hui à 16 milliards de dollars par an en 2020. Un montant auquel 13 milliards de dollars pourraient venir s’ajouter en tenant compte des cofinancements de projets avec effet de levier. Soit un total de 29 milliards de dollars.

Les financements verts du groupe passeraient ainsi de 21 % à 28 %. La Banque européenne d’investissement (BEI) a elle aussi annoncé une augmentation de ses prêts en faveur des investissements liés au climat dans les pays en développement, passant de 25 % actuellement à 35 % en 2020. Elle précise qu’elle privilégiera les pays particulièrement vulnérables.

De son côté, la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) s’est fixé comme objectif d’atteindre 18 milliards d’euros de financements verts dans les cinq prochaines années. Cela va porter ses financements climat à hauteur de 40 % contre une moyenne de 25 % sur les cinq dernières années.

La Banque interaméricaine de développement (BID) va quant à elle doubler ses efforts avec des financements pour le changement climatique passant d'environ 14 % à une fourchette de 25 à 30 % à l'horizon 2020.

 

Atténuation et adaptation au même niveau, pour la BAD

 

La Banque africaine de développement (BAD) va, elle, tripler son financement annuel pour le porter à près de 5 milliards de dollars d’ici à 2020, ce qui représentera 40 % de ses nouveaux investissements. Les fonds seront répartis équitablement entre actions d’adaptation et d’atténuation.

Enfin, la Banque asiatique de développement (ADB) avait déjà annoncé, fin septembre, qu'elle passerait de 3 à 6 milliards de prêts consacrés au climat, amenant à 30% sa part de prêt aux projets verts, contre 18 % actuellement. Ces 15 milliards de dollars viennent s’ajouter aux quelque 62 milliards déjà engrangés fin 2014, selon les calculs de l'OCDE, par les pays développés. L’institution a rendu publique la semaine dernière une évaluation des financements climat des pays du Nord vers ceux du Sud.

On peut également y ajouter les 10 milliards de dollars promis au Fonds Vert, le mécanisme financier des Nations Unies mis en place à Copenhague ainsi que les promesses de contributions publiques supplémentaires lancées par certains pays et leurs effets de levier sur le secteur privé.

Le Royaume-Uni a ainsi prévu d’augmenter de 50% ses contributions financières à la lutte contre le changement climatique dans les pays les plus pauvres, pour un total de 8,8 milliards de dollars en 2021. L’Allemagne quant à elle a promis de doubler ses financements, pour les porter à 4 milliards d’euros. Et la France a annoncé lors de l’Assemblée générale des Nations Unies une augmentation de 2 milliards d’euros de ses financements climat, qui passeront de 3 à 5 milliards d'euros par an en 2020.

 

Un sous-objectif dédié à l’adaptation dans la COP21

 

L’objectif des 100 milliards de dollars se rapproche. "Sur la base des évaluations de l'OCDE et des engagements annoncés à Lima, notamment par les banques de développement, les 100 milliards de dollars annuels promis par les pays du Nord vers les pays du Sud en 2020 doivent désormais pouvoir être atteints" a estimé Laurent Fabius, le ministre des Affaires étrangères et futur président de la COP21. "Si les efforts nouveaux nécessaires des pays, des banques multilatérales et du secteur privé sont confirmés, cela constituera un atout essentiel pour le succès de la COP21", a-t-il ajouté.

Si les ONG saluent ces annonces, elles pointent du doigt une nouvelle fois le manque de fonds destinés à l’adaptation et la part des dons trop faible."C’est un progrès de la part des banques multilatérales, et cela permet de mettre la pression sur les pays qui n’ont encore fait aucune annonce sur les 100 milliards, tels que les Etats-Unis, l’Australie, le Canada ou le Japon, explique Armelle Le Comte, chargée de plaidoyer climat chez Oxfam. Mais derrière ces chiffres, on voit bien que l’adaptation n’est pas assez prise en compte et que l’argent ne va pas aux plus pauvres." L’ONG estime ainsi que seuls 1 à 2 milliards de dollars de dons purs sont consacrés à l’adaptation chaque année. Elle souhaite que 50% des financements publics y soient consacrés et que cette question soit prise en compte dans l’accord de Paris.

Pascal Canfin, ancien ministre du Développement aujourd’hui conseiller pour le World Resources Institute (WRI) plaide lui aussi pour qu’un "un sous-objectif soit inscrit dans l’accord afin de faire grossir l’enveloppe de l’adaptation". Le sujet sera au programme du dernier round de négociations qui s’ouvre lundi prochain à Bonn, en Allemagne. Par ailleurs, plusieurs études sont dans les tuyaux des Nations Unies mais aussi du Conseil de stabilité financière (FSB) qui réunit banquiers centraux et experts de la régulation financière, pour faire le point sur la participation de la finance privée à la lutte contre le réchauffement climatique.

Concepcion Alvarez
© 2023 Novethic - Tous droits réservés

‹‹ Retour à la liste des articles

Pour aller plus loin

Energies renouvelables : une progression des investissements qui reste insuffisante pour atteindre les objectifs climatiques

Encore plus de panneaux solaires et d’éoliennes en 2015 : les investissements dans les énergies renouvelables (EnR), qui ont fortement progressé ces dix dernières années, permettent de poursuivre le développement de la production électrique propre. Ils restent toutefois très insuffisants...

OCDE : des financements climat insuffisants pour les pays victimes du réchauffement climatique

L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) vient de rendre public mercredi 7 octobre dans un rapport le montant estimé des...

Entreprises : comment s’adapter au changement climatique grâce au big data

Les études scientifiques qui analysent le changement climatique constituent une mine d'informations très précieuse pour des entreprises qui voudraient éviter certains risques ou trouver de nouvelles opportunités de croissance. Encore faut-il des experts pour transformer ce big data brut en...

COP21 : le nouveau brouillon du texte de négociation épuré et clarifié

A moins de deux mois de la Conférence des Nations unies sur les changements climatiques à Paris (COP21), les deux co-président de l’Assemblée des négociateurs aux Nations unies, l’Algérien Ahmed Djoghlaf et l’Américain Dan Reifsnyder, ont publié lundi 5 octobre un texte de négociation...

COP 21 : les industriels de la chimie veulent lutter contre le réchauffement climatique mais en restant compétitifs

A moins de deux mois de la Conférence des Nations unies sur les changements climatiques à Paris (COP21), l’industrie de la chimie veut elle aussi jouer sa partition. Si elle a pu contribuer à hauteur de 40% à...

Carbon Risk : une application pour mesurer l'urgence climatique

Comment rendre concrets les impacts économiques et financiers du réchauffement climatique? C'est en essayant de répondre à cette question que notre application "Carbon Risk"est...

ENVIRONNEMENT

Climat

Les alertes sur le changement climatique lancées par les scientifiques conduisent à l’organisation de sommets internationaux, à la mise en place de marché carbone en Europe mais aussi en Chine. En attendant les humains comme les entreprises doivent déjà s’adapter aux changements de climat dans de nombreuses parties du monde.

Cop28 ouverture GIUSEPPE CACACEAFP

COP28 : un premier signal fort avec un accord surprise sur les pertes et dommages

Ce qui ne devait être qu'une simple formalité en ce premier jour de COP28 s'est transformé en signal fort. Ajoutée à la dernière minute à l'ordre du jour de la session plénière, la concrétisation du fonds sur les pertes et dommages a été adopté par les États. Ce fonds qui doit aider les pays les...

COP28 GIUSEPPE CACACE/AFP

Ouverture de la COP28 à Dubaï : ces sommets pour le climat ont-ils encore un sens ?

La COP de trop ? Alors que la 28e Conférence des parties sur le climat s’ouvre ce jeudi 30 novembre à Dubaï, aux Émirats arabes unis, beaucoup s’interrogent sur le sens et l’avenir de ces grand-messes, d’autant plus qu’elle se tient cette année dans un État pétrolier et qu'elle est dirigée par le...

A23a Antarctique Iceberg / AFP PHOTO / COPERNICUS SENTINEL-3 SATELLITE IMAGE ©2023 MAXAR TECHNOLOGIES

Antarctique : un iceberg géant de 4 000 km2 dérive, faisant peser un risque pour les voies maritimes et la faune

"A23a". Son nom ne vous dit peut-être rien, mais il s’agit de l'un des plus grands icebergs au monde : 4 000 km2 pour un poids d’un milliard de tonnes. Bloqué depuis près de 30 ans dans la mer de Weddell, en Antarctique, ce mastodonte s’est mis en mouvement et pourrait rejoindre l’Atlantique Sud,...

Coalitions

[Infographie] Méthane, déforestation, fin des aides publiques aux énergies fossiles : le point sur ces coalitions à la veille de la COP28

Promesses en l’air ou promesses tenues ? La COP26 a été l’occasion pour un grand nombre d’États de prendre de nouveaux engagements pour le climat et l’environnement. Deux ans plus tard, Novethic a analysé trois d'entre eux pour en tirer un premier bilan à la veille de l’ouverture de la COP28 de...