Fini Jakarta. Depuis quelques années déjà, le président de l’Indonésie, Joko Widodo, souhaite transférer la capitale du pays en dehors de l’île de Java. En cause, la surpopulation, les embouteillages monstres, les risques sismiques mais surtout les tsunamis et les inondations qui se multiplient à cause du réchauffement climatique. Le quartier nord de Jakarta se serait déjà enfoncé de 2,5 mètres en dix ans. Une situation aggravée par le développement urbain de la ville.
"Le pompage des nappes phréatiques est sans précédent pour une ville de cette taille", attestait en 2019 à Reuters Fook Chuan Eng, spécialiste à la Banque mondiale. "Les gens creusent de plus en plus profond, le sol s’effondre". Face à ce constat, le 18 janvier, le parlement indonésien a voté une loi approuvant le transfert de la capitale vers Bornéo, l’île qui abrite l’une des plus grandes forêts tropicales au monde. La nouvelle capitale politique de l’archipel d’Asie du Sud-Est, baptisée "Nusantara", doit être construite à quelque 2 000 kilomètres de la capitale actuelle, qui devrait rester le centre économique.
Une capitale "zéro émission"
La nouvelle capitale occupera plus de 56 000 hectares dans la province de Kalimantan Est, sur l’île de Bornéo, partagée entre l’Indonésie, la Malaisie et Brunei. Au total, plus de 256 000 hectares ont été réservés en vue d’une expansion du projet. Les premières maquettes de la nouvelle capitale montrent un projet utopiste de ville intelligente construite au milieu des arbres, mais peu de détails ont été confirmés à ce stade. Le président Joko Widodo a indiqué le 17 juillet que dans la nouvelle capitale "zéro émission", "les gens seront proches de toute destination, et pourront s’y rendre en vélo ou à pied". "Nous allons commencer la transformation de l’économie indonésienne", a-t-il annoncé.
La construction du projet qui devait débuter dès 2020 a été ralentie par la pandémie. Elle devrait s’étaler en plusieurs étapes jusqu’en 2045. Mais les écologistes s’inquiètent. Car au cours des 30 dernières années, l’île de Bornéo a déjà perdu près de la moitié de ses forêts, selon le WWF. L’île a été dépaysée par l’explosion des plantations de palmiers à l’huile près de Kalimantan. Or, cette terre abriterait 6 % de la biodiversité mondiale, ce qui fait du lieu un des derniers endroits où les orangs-outans vivent dans leur milieu naturel.
"Cette décision aura un impact sur l’environnement", a déclaré à Reuters Jasmine Puteri, responsable de la campagne forestière de Greenpeace. "Jakarta a subi tant de défaillances dues à la pollution, à la crise de l’eau et aux inondations. Nous ne voulons pas de ces problèmes dans la nouvelle capitale", a-t-elle souligné. Vous ne résolvez pas un problème en le déplaçant", prévenait déjà au Guardian Elisa Sutanudjaja, directrice du Centre d’études urbaines de Rujak.
Marina Fabre Soundron @fabre_marina avec AFP