Publié le 04 septembre 2020
ENVIRONNEMENT
Néonicotinoïdes sur les betteraves : un recul sans précédent pour la biodiversité, selon les associations écologistes
Malgré la mobilisation des associations et des apiculteurs, le gouvernement a présenté jeudi 3 septembre un projet de loi visant à réautoriser jusqu'en 2023 les néonicotinoïdes sur les cultures de betteraves pour lutter contre la jaunisse. Ces pesticides "tueurs d'abeilles" avaient été interdits par la France en 2018, montrant son exemplarité dans l'Union européenne. Ce retour en arrière ne passe pas pour les écologistes.

CC0
C’est le "plus grave recul d’une décision gouvernementale sur la protection du vivant depuis des années". L’ancienne ministre de l’écologie, Delphine Batho, ne mâche pas ses mots pour qualifier la récente décision du gouvernement de lever temporairement l’interdiction d’utiliser des insecticides néonicotinoïdes, surnommés "pesticides tueurs d’abeille" sur les cultures de betterave.
Le projet de loi, présenté ce jeudi en conseil des ministres malgré l'opposition des écologistes et des apiculteurs, s'appuie sur l'article 53 du règlement européen sur les phytosanitaires permettant de déroger à l'interdiction de certains produits lorsqu'il existe un "danger qui ne peut être maîtrisé par d'autres moyens raisonnables".
Pérenniser la filière betterave
Ici le danger identifié est la "jaunisse de la betterave", transmise par un puceron vert vecteur du virus, qui se développe sur les cultures dont les semences n'ont pas été enrobées au préalable de cet insecticide. La baisse des rendements menace la pérennité de la filière sucrière française, qui emploie 46 000 personnes, dont une bonne partie dans des usines de transformation, estime la profession. "Le gouvernement reconnaît l'impasse dans laquelle sont les agriculteurs", a soutenu Franck Sander, président de la Confédération générale des planteurs de betteraves (CGB).
La France était jusqu’ici à l’avant-garde concernant ces pesticides. Après la loi biodiversité de 2016, elle a été le seul pays de l’Union européenne à les interdire sur son territoire. Le ministère de l’Agriculture s’enorgueillissait alors de placer la France "plus que jamais à la pointe sur l’interdiction des produits phytopharmaceutiques dangereux pour les pollinisateurs". Il faut dire que ces produits sont particulièrement impactant pour les insectes. Ils altèrent leur système nerveux, perturbent leur sens de l’orientation, leur capacité de reproduction et touchent essentiellement les pollinisateurs. L’Union nationale de l’apiculture française estimait, avant leur interdiction, que les insecticides néonicotinoïdes étaient responsables de la destruction de 300 000 ruches par an.
"Un pas en avant, trois pas en arrière"
Le gouvernement tente de rassurer et maintient que seule la culture de la betterave sera concernée par cette réautorisation. Le projet de loi se réfère à un texte européen générique et ne peut mentionner aucune culture en particulier, mais l'arrêté qui suivra sera spécifiquement axé sur les betteraves, a souligné une source gouvernementale. La réautorisation valable pour 2021, 2022 et 2023, sera accompagnée d'une série de mesures pour l'encadrer, notamment un budget de 5 millions d'euros pour accélérer la recherche de solutions agronomiques permettant d'éviter les néonicotinoïdes, un dispositif d'indemnisation des agriculteurs touchés, et la mise en place d'ici la fin de l'année d'un plan de protection des pollinisateurs.
Face à cette situation, le parti Génération Écologie a lancé mercredi une campagne contre ce projet. "Notre combat, ce n’est pas de laisser tomber les agriculteurs", a défendu Delphine Batho expliquant que la jaunisse s’est développée à cause d’un hiver doux et d’un printemps chaud notamment. "On subit le changement climatique et la réponse c’est de mettre plus de produits chimiques. Sans pollinisation, sans insecte, les rendements agricoles vont s’effondrer. Cela soulève la question de la souveraineté alimentaire", a-t-elle alerté. Le gouvernement "préfère une nouvelle fois écouter les lobbies au détriment de la santé humaine et de la biodiversité : un pas en avant, trois pas en arrière", dénonce de son côté EELV.
Marina Fabre, @fabre_marina avec AFP