Publié le 23 mars 2018
ENVIRONNEMENT
Protection de la biodiversité : quand les PME donnent l’impulsion
Depuis une semaine, les experts de la biodiversité réunis à Medellin (Colombie) alertent sur la dégradation de la planète. Gouvernements et grandes entreprises peinent aujourd’hui à prendre des mesures pour éviter son érosion. Pourtant, sur le terrain, des PME se mobilisent pour changer la donne, en travaillant avec leurs fournisseurs ou clients. Leur engagement est motivé par une forte conscience environnementale mais aussi par une vision stratégique.

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Préserver la biodiversité ? C’est une seconde nature pour Edmond Bourny. Le président de LEPAM, un laboratoire de plantes aromatiques et de phytothérapie. Il en a fait un cheval de bataille stratégique pour son entreprise. Pour une question d’éthique, mais aussi de survie : "une plante qui disparaît, c’est potentiellement un médicament qui disparaît", assure-t-il.
Or, le changement climatique cumulé au boom de mondial de la phytothérapie a des effets désastreux :"il y a un danger de disparition de nombreuses plantes médicinales dues à une surconsommation et une collecte sauvage, non maîtrisée. Rien qu’au Canada, ce sont des dizaines de plantes qui ont disparu depuis 20 ans. En France, il y a urgence pour sauver l’arnica, la gentiane jaune ou le tilleul", explique Edmond Bourny.
Chaque décision prise au prisme de la biodiversité
Depuis plusieurs années, le patron de PME prend donc "chaque décision stratégique en intégrant le prisme biodiversité", assure-t-il. Et il ne manque pas une occasion de sensibiliser à l’érosion de la biodiversité des plantes médicinales. Dialogue avec les fournisseurs et les clients sur les enjeux de la biodiversité, formations, publication d’un guide de bonnes pratiques pour la cueillette, parcours éducatifs, ou encore financement de vergers conservatoires ou de jardins botaniques…
L’objectif est de montrer à son écosystème "que la biodiversité est au centre de tout et notamment de l’économie", mais aussi que "les entreprises de toutes tailles peuvent agir. Même si nous ne pesons pas grand-chose, nous faisons office de lanceurs d’alerte", souligne-t-il. Grâce à ses actions, un de ses clients parfumeur a ainsi élaboré un parfum avec une plante en voie de disparition qu’il a remise en culture.
Des contrats avec les agriculteurs et boulangers
Cette volonté d’embarquer toute la filière, on la retrouve également chez la Maison Cholat, entreprise familiale de Rhône-Alpes qui produit notamment des farines pour les boulangeries et des aliments pour animaux. La maison, qui a 140 ans d’existence, travaille depuis 1997 avec les agriculteurs à réduire l’utilisation d’intrants chez ses fournisseurs. À date, l’entreprise a mis en place trois réseaux de fermes Dephy (qui expérimentent des techniques pour réduire l’utilisation de pesticides) et contractualisé avec près de 300 agriculteurs de la région.
"Nous travaillons avec les agriculteurs pour qu'ils utilisent des techniques permettant de limiter les intrants, par exemple avec des drones ou des satellites qui permettent de mieux localiser les interventions, mais aussi par la mise en place de bandes florales à côté des cultures de colza qui favorisent la pollinisation naturelle. Nous les accompagnons avec des ‘techniciens conseillers préconisateurs’. Et nous avons mis en place un système de primes, de prix garantis sur plusieurs années et de prix spéciaux pour certaines catégories de céréales", explique Christelle Butty, responsable marketing de la maison Cholat.
Les PME, fers de lance de la protection de la biodiversité ?
L’idée est ensuite de valoriser ce type de démarche chez les boulangers (300 partenaires) à l'aide de communications informant le consommateur de l‘origine locale de la farine et de sa production en agriculture raisonnée voire bio. Avec succès, car le consommateur est de plus sensible à ces arguments. "En 1997, quand nous avons mis en place de type de démarche, les autres acteurs du secteur nous prenaient pour des fous et nous disaient que ce n’était pas notre responsabilité. Aujourd’hui, le discours a changé !", assure François Maxence Cholat, responsable filière.
"Comme pour le climat, les entreprises ont un rôle à jouer dans la préservation de la biodiversité, rappelle Sylvain Boucherand, fondateur du cabinet B&L évolution et administrateur de l’association Humanité et Biodiversité. Et cela n’est pas une question de taille. Ce sont même sans doute les PME qui feront avancer le plus le sujet. Pour elles il s'agit d'un enjeu extrêmement concret, qu’elles peuvent peut-être plus facilement visualiser et maîtriser que les multinationales."
Béatrice Héraud, @beatriceheraud