Publié le 28 janvier 2021

ENVIRONNEMENT

Biodiversité : comment la France entend protéger un tiers de son territoire dès 2022

La France a publié sa Stratégie nationale des aires protégées en janvier 2021, qui vise à préserver 30% du territoire marin et terrestre dès 2022. C'est une bonne nouvelle, selon l'Union Internationale de Conservation de la Nature (IUCN), qui fait référence en la matière. Cependant, il est nécessaire de mobiliser les moyens financiers suffisants pour garantir l'efficacité de ces aires protégées. 

Bouquetin parc vanoise 1
Suivi de bouquetins, dans le parc national de la Vanoise en Savoie.
CC BY 4.0

L'un des grands objectifs de la COP15 biodiversité, qui aura lieu à la fin de l'année 2021, sera de parvenir à 30 % d'aires protégées sur la planète en 2030. La France se veut exemplaire. Emmanuel Macron a ainsi annoncé que cet objectif serait atteint dès 2022, peu de temps avant la publication de la stratégie pour les aires protégées, le 12 janvier dernier. Est-ce à dire qu'un tiers du territoire français sera sanctuarisé dans un an et inaccessible à toute activité humaine et économique ? Évidemment non. Les aires protégées recouvrent déjà 23,5 % du territoire français. Elles ont pour objectif principal d'oeuvrer contre l'érosion de la biodiversité et pour l'atténuation du changement climatique, en s'appuyant sur un éventail d'outils.

Parc naturel régional, Parc national, réserve de biosphère… Selon l’Inventaire Nationale du Patrimoine Naturel, il existe en France pas moins de 21 types d’aires protégées différentes, auxquelles il faut ajouter le réseau européen Natura 2000. Si les outils sont pluriels, c’est parce qu’ils répondent à des objectifs spécifiques : "Des statuts extrêmement variés cohabitent, avec diverses réglementations, qui permettent de conserver espèces, paysages ou éléments du patrimoine selon des exigences variables", détaille Isabelle Arpin, sociologue à l’Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (INRAE).

Allier activités humaines et protection de la nature 

Cependant, une aire protégée n’est pas un endroit sous cloche, où les activités humaines sont prohibées.  "La plupart du temps, sans s’en rendre compte, c’est dans ces territoires protégés que l’on passe nos vacances…", souligne Laure Debeir, chargée de programme aires protégées à l'IUCN. L’IUCN répertorie six catégories, relatives "à un gradient d’anthropisation", auxquelles chaque aire protégée est rattachée. Seule la première catégorie interdit les interventions humaines, comme la réserve intégrale du Lauvitel, au sein du Parc National des Ecrins à proximité de Grenoble, accessible uniquement à des fins scientifiques. Ces zones sont minoritaires : elles représentent à peine 1,8 % des aires protégées en France. Le gouvernement s'est engagé à atteindre 10 % de protection "forte" d'ici à 2022, mais les critères à appliquer sont encore flous.

Pour la plupart de ces aires protégées, le défi est d’allier protection de la biodiversité, gestion du patrimoine culturel et accueil du public dans un objectif de développement durable des territoires, à l'instar des parcs nationaux et des parcs naturels régionaux. "Toutes sortes d’activités humaines sont autorisées dans les aires protégées, comme le tourisme, l’agriculture, les constructions foncières, et même parfois la chasse, à condition qu’elles ne rentrent pas en conflit avec les objectifs de préservation " ajoute Laure Debeir. Pour l'heure, les aires protégées sont préférablement créées dans les zones où la probabilité de conflits est limitée. Plus de 90 % des aires marines d'outremer en protection intégrale sont situées dans les mers australes peu fréquentées. "Ce qui ne signifie pas qu'il n'y a pas d'enjeux", précise la chargée de mission.

Une efficacité… sous réserve de moyens

Reste la question des financements. En terre comme en mer, il ne suffit pas de créer des aires protégées pour conserver efficacement la biodiversité. "Des espaces sont créés avec des objectifs très ambitieux, mais ils ne bénéficient pas toujours des moyens nécessaires pour recruter, mener des actions, et avoir du matériel adapté", regrette Laure Debeir. L'association France Nature Environnement (FNE) a d'ailleurs pointé du doigt les aires marines protégées françaises, victimes de "surpêche", en se basant sur le nombre d'heures de pêche observées dans le golfe de Gascogne entre 2015 à 2018.

Constat similaire pour le Centre de recherches insulaires et observatoire de l'environnement : alors que 60 % de la bordure maritime française méditerranéenne est en zone protégée, dans la réalité, seule 0,23 % des aires marines bénéficient d’une réelle surveillance des activités avec la mise en place de sanctions. Le véritable défi pour la France n'est donc pas tant d'atteindre les 30 % d'aires protégées, mais bien de se donner les moyens de ses ambitions.

Pauline Fricot, @PaulineFricot


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