Publié le 19 septembre 2019
ENTREPRISES RESPONSABLES
Les ODD, un rendez-vous manqué entre entreprises et investisseurs français
Adoptés en 2015 par l’ONU, les objectifs de développement durable (ODD) devaient permettre aux acteurs publics et privés d’utiliser un langage commun pour faire converger leurs actions. Pourtant si les grands acteurs économiques et financiers les ont bien intégrés dans leur communication et leur stratégie, ces derniers sont peu vecteurs de dialogue entre les émetteurs et investisseurs. C’est le constat d’une étude réalisée par Novethic en partenariat avec B&L évolution.

@Novethic
La France va présenter sa feuille de route fixant la façon dont le pays pense atteindre les Objectifs de Développement Durable, dans le cadre du sommet sur les ODD qui se déroule du 24 au 25 septembre. Tous les acteurs sont appelés à y contribuer, publics comme privés. À cette occasion, Novethic, en partenariat avec B&L évolution, a donc conduit une étude montrant la façon dont le SBF120 et les 100 plus gros investisseurs institutionnels français se saisissent du sujet.
Les ODD, peu vecteurs de dialogue
Premier enseignement : les ODD, qui en fixant 17 priorités de développement universel, sont censés fournir un langage commun aux acteurs, semblent avoir échoué à faire converger entreprises et investisseurs dans la même direction. Ainsi, alors que 71 % des entreprises déclarent utiliser les ODD pour se conformer aux exigences des investisseurs ou des agences de notation, les investisseurs institutionnels estiment eux ne pas avoir les informations suffisantes ou adaptées de la part des entreprises pour évaluer efficacement leur contribution.
"Avec les ODD, les entreprises et investisseurs reproduisent finalement les mêmes erreurs que pour les RSE et l'ISR : construire chacun de leur côté des reportings complexes et des indicateurs d'impact qui ne se répondent pas forcément. Pour financer et atteindre les ODD, il serait utile de procéder autrement..." Pour Anne-Catherine Husson-Traore, directrice générale de Novethic. Pour Sylvain Boucherand, le PDG de B&L évolution, "ce malentendu est forcément un obstacle sur le chemin de la réalisation des ODD".
Un outil d'accompagnement plus que de transformation
Ce n’est pourtant pas par manque d’intérêt. Les ODD, particulièrement ceux concernant la lutte contre le changement climatique et la croissance économique via des conditions de travail décentes, sont fortement repris par les entreprises et investisseurs. Et globalement, l'ensemble des ODD est cité dans la communication publique des plus grands acteurs.
Ainsi, 68% du SBF 120 évoquent les ODD dans leurs publications. Plus leur chiffre d'affaires est important, plus les entreprises citent précisément les objectifs sur lesquels elles entendent travailler. Quant aux investisseurs institutionnels, les organisations sensibilisées représentent 80 % des encours du panel soit plus de 2 000 milliards d’encours.
Mais ce référentiel est davantage utilisé comme un guide d’accompagnement des stratégies RSE (responsabilité sociétale) ou ESG (environnement, social et gouvernance) que comme un outil de transformation des modèles d’affaires et d’investissement, ce qu’il est pourtant censé faire.
Un référentiel considéré comme trop peu opérationnel pour la conduite des affaires
Les freins à cette intégration plus stratégique sont nombreux. Plusieurs points sont particulièrement bloquants. Les entreprises et investisseurs mettent en avant la difficulté à faire des ODD, en premier lieu destinés aux États, un guide réellement opérationnel pour la conduite de leurs affaires et de leurs investissements. Et ce, même si des outils de correspondance existent avec les référentiels RSE type ISO ou GRI pour les entreprises. Ainsi, il reste difficile, pour les acteurs, de mesurer de façon pertinente leur contribution aux ODD et de comparer cette contribution entre pairs, sachant que les indicateurs varient d’une institution à une autre.
Par ailleurs, les ODD peinent à sortir des directions spécialisées pour être diffusés et au plus haut niveau de l’entreprise et, plus largement, aux collaborateurs. Ainsi, dans les entreprises, les ODD sont portés à 86 % par les directions RSE, même si les directions générales (36 %) et les conseils d’administration (14 %) commencent à s’y intéresser de près. À l’inverse, ils concernent seulement 7 % des collaborateurs, selon les entreprises interrogées. Du côté des investisseurs institutionnels, seuls un quart d'entre eux indiquent que l’engagement sur les ODD est porté par le Comité exécutif… Un manque de portage de haut niveau qui nuit sans doute à leur intégration stratégique.
Béatrice Heraud @beatriceheraud