Publié le 12 juin 2017
ENTREPRISES RESPONSABLES
Réputation : "Les entreprises ne peuvent plus seulement communiquer sur leurs produits ou leurs performances financières"
Dans sa dernière étude sur la réputation RSE des entreprises en France, le cabinet Reputation Institute souligne le poids croissant des critères d’éthique, de transparence et d’environnement dans la réputation des sociétés. Décryptage de cette tendance avec Kasper Ulf Nielsen, executive partner de Reputation Institute et Olivier Forlini, directeur de la branche française.

Reputation Institute
Le Reputation Institute mesure depuis des années la réputation des entreprises. Quelle place y tient la RSE ?
Kasper Ulf Nielsen : Elle est plus importante que jamais. Au niveau mondial, nos études montrent que les critères liés à la RSE, c’est-à-dire la citoyenneté (qui inclut le respect de l’environnement), la gouvernance et le bien-être au travail, comptent pour 40% de la réputation. La façon dont les entreprises gèrent ces trois dimensions est cruciale pour leur réputation. Elles ne doivent pas seulement mettrre en avant la qualité de leurs produits, de leurs performances financières. Elles doivent aussi raconter la façon elles traitent leurs employés et comment elles influencent positivement la société et les communautés locales. Les entreprises qui améliorent leur score en matière de RSE améliorent leur réputation globale. Et inversement. C’est ce que nous observons partout dans le monde.
Comment se comporte la France en la matière ?
Kasper Ulf Nielsen. La France est en ligne avec le reste du monde : l’étude que nous avons publiée début juin montre que la RSE compte pour 43,3% dans la réputation des entreprises, soit 2,5 points de plus qu’en 2016. Par comparaison, le score est de 42,9% pour les États-Unis et 41% pour la Chine. Mais ce qui distingue la France, c’est le poids des indécis, qui déclarent ne pas savoir ce que les entreprises - dont ils sont pourtant familiers (1) - font en matière de RSE. Ils sont plus de 75% !
Olivier Forlini. Les entreprises françaises sont très souvent moins bien notées, notamment sur la RSE que les entreprises internationales qui opèrent en France. C’est particulièrement le cas pour les entreprises du CAC40. Or les entreprises sont bien notées dans les classements mondiaux en matière de RSE. Ce n’est donc pas parce qu’elles ne font rien ou qu’elles le font mal mais parce qu’elles communiquent mal ou peu. Elles peuvent transformer ces indécis en soutiens si elles communiquent mieux. Attention toutefois, cette communication ne doit pas tomber dans le greenwashing qui serait contreproductif mais se baser sur des actions concrètes. C’est la clé comme le montrent les entreprises qui sont en tête du classement français de la réputation RSE : Décathlon, SEB ou BIC ou même Danone (10ème). Ce sont des entreprises qui ont une culture très forte de la RSE, qui en ont fait un élément stratégique.
L’importance des indécis ne constitue-t-il pas un biais ?
Kasper Ulf Nielsen. Non car il faut bien comprendre que la réputation est basée sur la perception qu’en a le public. Les personnes que nous interrogeons pour nos enquêtes sont familières des entreprises sur lesquelles elles émettent un avis. Nous leur demandons si elles ont été en relation avec celles-ci, si elles connaissent des gens qui y travaillent, si elles ont lu des articles ou commentaires sur elles… Elles sont donc légitimes à donner leur avis. Certaines entreprises avec lesquelles nous travaillons nous disent que leur score est injuste, qu’elles dépensent plus que leurs concurrents sur la RSE, que ce n’est pas la réalité. Mais c’est la réalité de la perception que nous mesurons ! Ce paradoxe apparent est celui dans lequel doivent vivre les entreprises aujourd’hui. Elles doivent arriver à le gérer pour leur réputation.
Les entreprises sont-elles conscientes de l’importance de la RSE dans leur réputation ?
Olivier Forlini. Pas suffisamment. Son poids est très sous-estimé. A chaque fois que nous présentons nos études sur la part de la RSE dans la réputation, les entreprises sont surprises. Certaines d’entre-elles ont tendance à se focaliser sur d’autres critères comme les performances financières. Ce dernier était effectivement très important lors de la crise financière et les années qui ont suivi mais il l'est bien moins aujourd’hui. Alors que, pour certains secteurs, comme la pharmacie ou la santé, notre dernière étude montre que la RSE est absolument essentielle puisqu’elle compte pour 50% de la réputation.
Propos recueillis par Béatrice Héraud @beatriceheraud
(1) L’étude Reputation Track prend en compte l’avis de 100 personnes par entreprise. Les personnes interrogées doivent être suffisamment familiers avec l’entreprise pour pouvoir donner leur avis. Pour l’étude française, le panel est constitué d’environ 30 000 personnes.