Publié le 09 janvier 2020
ENTREPRISES RESPONSABLES
Entreprises à mission : Trois raisons pour lesquelles les patrons s’engagent
En 2019, avec la loi Pacte, les entreprises françaises ont pu s’engager sur une nouvelle voie, celle de la société à mission. Celle-ci requiert notamment de se doter d’une raison d’être ancrée dans les statuts, d’une mission environnementale et/ou sociale et d’un comité de suivi. Alors que le décret qui en précise les détails vient de paraître, plusieurs patrons se sont déjà engagés et Novethic a recueilli leur témoignage.
Pour "officialiser la mission familiale" et assurer sa transmission
Bris Rocher, PDG du Groupe Rocher
"Devenir une entreprise à mission est une manière de rendre hommage aux valeurs qui ont guidé mon grand-père lors de la création d’Yves Rocher, il y a 60 ans. La loi Pacte nous permet d’officialiser cela et de pouvoir assurer la transmission de cette valeur familiale aux générations futures qui géreront l’entreprise, dans la lignée de mon action pour réintégrer le capital de l’entreprise au sein de la famille Rocher. Notre mission – Reconnecter ses communautés à la nature - est une réponse à l’un des plus grands défis de notre société mais aussi aux attentes de nos consommateurs. C’est également une incitation, pour les autres entreprises, à prendre le même chemin, autour de leurs propres valeurs.
Je suis convaincu que la pérennité d’une entreprise se construit en conjuguant la performance économique et le bien commun. Ce nouvel outil va nous permettre de créer de la valeur autour de nos parties prenantes. Cela passera notamment par de nouveaux axes stratégiques pour chacune de nos 10 marques (Yves Rocher, Petit Bateau, Dr Pierre Ricaud…) et la certification B corp."
Pour ancrer la mission d’une entreprise en croissance ultrarapide auprès des investisseurs
Pierre Duboc, co-fondateur et PDG d'Openclassrooms
"OpenClassrooms a une mission depuis sa création en 1999 : rendre l’éducation accessible, partout, tout le temps. Nous l’avons formalisée (notre raison d'être, ndr) il y a sept ans puis inscrite dans les statuts en 2018 à l’occasion de la loi Pacte. Nous étions alors à une période charnière de notre développement : chaque année, nous doublons de taille. Nous avons donc besoin d’être très clairs sur la mission de l’entreprise, à la base de sa création de valeur.
Cela nous guide dans nos décisions stratégiques. Ainsi, quand des entreprises ont voulu des formations exclusives, ce qui était contraire à notre mission d’accessibilité, nous avons refusé. Quand nous avons cherché des fonds externes, nous voulions être sûrs que les investisseurs soient bien alignés sur celle-ci et la respecte pleinement. Nous l’avons donc intégré dans le pacte actionnaires que nous avons signé avec un fonds américain. Ils n’ont pas changé une ligne. Aujourd’hui, nous consolidons notre démarche avec un comité d'impact, pour avoir une mesure et un contrôle externe. Notre mission est au cœur de notre stratégie, des produits au recrutement en passant par notre financement."
Pour assumer le "rôle politique de l’entreprise" et faire de son engagement une source de performance
Pascal Demurger, Directeur général de Maif
"L’entreprise a un rôle politique à la fois face à des enjeux de fracture sociale, d’urgence climatique et de rupture digitale mais aussi face aux attentes des consommateurs-citoyens qui s’amplifient et à des Etats qui ne peuvent plus répondre seuls à cela. En tant que dirigeant d’entreprise, je ne peux pas m’en abstraire et l’idée est en quelque sorte de passer du côté du problème à la solution.
Pour la Maif, prendre le chemin de l’entreprise à mission, c’est prendre ses responsabilités en tant qu’"assureur militant" pour garantir un impact positif de notre activité pour la société. C’est aller au bout de nos convictions, en embarquant l’ensemble du corps social et en premier lieu nos collaborateurs que nous avons engagés dans cette démarche. C’est aussi une façon de le déclarer publiquement, c’est-à-dire nous obliger, de manière irréversible. C’est enfin un positionnement stratégique car nous sommes convaincus que notre engagement est un facteur d’attractivité, de différenciation et même une condition de performance, voire de pérennité."
Propos recueillis par Béatrice Héraud, @beatriceheraud
* Le décret précisant les modalités de la société à mission est paru le 2 janvier. Il est consultable sur Legifrance
(1) Lire "L'entreprise du XXIème siècle sera politique ou ne sera pas", Pascal Demurger, 2019, éditions de l'Aube.