Publié le 13 juillet 2021
ENTREPRISES RESPONSABLES
Devoir de vigilance : Ces entreprises qui passent entre les mailles du filet
McDonald's, Lactalis, Leroy-Merlin... Dans une nouvelle enquête, Sherpa et CCFD Terre Solidaire, dévoile le nom des entreprises censées être soumises au devoir de vigilance et qui n'ont pourtant pas publié leur plan malgré la loi. Les deux ONG dénoncent "le sentiment d'impunité" et "l'opacité" qui règnent. Du côté de Bercy, on juge qu'il vaut mieux attendre le devoir de vigilance européen pour agir.

Jason Goh de Pixabay
En 2017, la France votait une loi sur le devoir de vigilance qui oblige les entreprises multinationales à assurer une activité de production respectueuse des droits humains et de l’environnement sur l’ensemble de leur chaîne d’approvisionnement. Quatre ans plus tard, le bilan est mitigé. Sur les 263 entreprises concernées, celles d’au moins 5 000 salariés en France ou au moins 10 000 à l’étranger, 44 n’ont pas publié leur plan de vigilance, selon une enquête menée par Sherpa et CCFD Terre Solidaire.
Parmi elles, on compte McDonald’s, Lactalis, Bigard ou Leroy Merlin. Les deux ONG estiment ainsi que 17 % des entreprises soumises au devoir de vigilance ont rendu copie blanche. Certaines ont pris du retard comme France TV ou la Coopérative U qui affirment à Sherpa et CCDF Terre Solidaire le publier prochainement. D’autres, comme la SNCF, explique à Novethic avoir reçu une dérogation de deux ans. Une situation justifiée "par la réforme ferroviaire qui a transformé la SNCF en société anonyme", explique le groupe.
Pas de liste officielle
Contacté par Novethic, le géant des fast-food, McDonald’s, affirme, lui, ne pas être soumis au devoir de vigilance. "Même si l’enseigne n’est soumise à̀ aucune réglementation, elle regarde très attentivement le sujet du devoir de vigilance et des réflexions avancées sont d’ores et déjà̀ en cours", affirme le groupe. Comment est-il possible que McDonald’s, avec ses 30 000 à 40 000 salariés dans l’Hexagone, ne soit pas concerné ? Le groupe, en France, est en fait organisé en franchise. "La société de la filiale McDonald's France ne compte pas 5 000 salariés en France ou 10 000 à l'étranger", explique la chaine de fast-food.
Reste que les deux ONG ont dû elles-mêmes constituer la liste des entreprises potentiellement soumises au devoir de vigilance. "Il n’existe aucune liste officielle publique", se désole Swann Bommier, membre de CCFD- Terre solidaire. "Il y a une véritable apathie sur ce sujet. Cela donne un sentiment d’impunité aux entreprises suffisamment fort pour qu’elles ne se sentent pas dans l’obligation de respecter la loi. Elles entretiennent l’opacité sans que cela ne porte à conséquence, c’est très grave", dénonce le chargé de plaidoyer pour la régulation des entreprises multinationales.
Vers un devoir de vigilance européen
Du côté de Bercy, on affirme que "la mise en demeure des entreprises qui n'auraient pas publié de plan de vigilance relève dans le dispositif actuel de la société civile et des juges". Le ministère explique mettre à disposition des "outils indispensables pour que la société civile puisse vérifier l'application des obligations".
Quant à la liste des entreprises concernées, pris à partie par des associations et syndicats sur la question en décembre dernier, Bruno Le Maire justifiait : "S’agissant de l’établissement d’une liste des entreprises concernées par la loi, le rapport du Conseil général de l’Économie fait état de facteurs d’incertitude et propose pour y remédier de préciser les critères de forme sociale et de taille des entreprises assujetties. Ces propositions sont à l’étude, étant précisé que je ne souhaite pas préempter le débat européen qui s’ouvre, et qui pourrait nécessiter de modifier une nouvelle fois notre droit en matière de devoir de vigilance ".
La Commission européenne doit en effet publier en automne prochain un projet de directive sur le sujet. "L’Europe devrait garder la base du devoir de vigilance français mais résoudre les dysfonctionnements que l’on observe aujourd’hui", recommande Swann Bommier. Sherpa et CCFD Terre solidaire préconisent ainsi de faciliter l’accès aux informations détenues par les entreprises en instaurant un "droit à l’information" ou encore de donner la possibilité aux procureurs de la République de mettre en demeure les sociétés qui ne respecteraient pas leur devoir de vigilance. Aujourd’hui, six entreprises comme Casino, Total ou encore Suez, ont été assignées en justice ou font l’objet d’une mise en demeure par des associations ou des syndicats.
Marina Fabre, @fabre_marina