Publié le 24 mars 2022

ÉCONOMIE

Pour le PDG de BlackRock, Larry Fink, la guerre en Ukraine signe la fin de la mondialisation

C’est la fin d’une époque. Pour le patron du géant de la gestion d’actifs BlackRock, l’invasion russe en Ukraine marque la fin de la mondialisation car elle pousse les entreprises à réorienter leurs chaînes d’approvisionnement pour un "retrait plus rapide de certains pays". Une reconfiguration déjà amorcée avec la pandémie de Covid-19.

Cargo ship DesignOil Pixabay 01
80 % du commerce mondial passe par des chaines d'approvisionnement internationales.
CC0

C’est dans un contexte mondial particulièrement tendu que Larry Fink, le patron de Blackrock, fondateur de la plus grande société de gestion, a écrit sa lettre annuelle aux actionnaires. Celui qui défend un nouveau capitalisme "des parties prenantes" considère que la guerre en Ukraine a "mis fin à la mondialisation que nous avons connue au cours des trois dernières décennies". "L’agression de la Russie en Ukraine et son découplage ultérieur de l’économie mondiale vont inciter les entreprises et les gouvernements entiers à réévaluer leurs dépendances et à réanalyser leurs empreintes de fabrication et d’assemblage, ce que le Covid avait déjà beaucoup incité à faire", écrit le dirigeant. 

Le Covid-19 a en effet été une des plus grosses failles révélant au monde entier l’extrême vulnérabilité de notre système mondialisé, provoquant des tensions d’approvisionnement sur des produits pourtant essentiels tels que les masques, les respirateurs et certains médicaments. La guerre en Ukraine en est une nouvelle. En quelques semaines, la Russie a été mise à distance d’un système international dans lequel elle était bien installée. Les pays occidentaux ont appliqué des sanctions pour se couper progressivement des liens commerciaux et financiers avec la Russie. Gel et saisie des avoirs des oligarques russes, blocage partiel du système de paiement international Swift, embargos sectoriels… cette "guerre économique" tranche avec l’interconnexion portée par la mondialisation. Plusieurs entreprises occidentales comme Shell, Apple, Ford ou Volvo ont ainsi décidé de quitter la Russie et d’autres, sous pression, sont en passe de les suivre.

La "slowbalisation"

"Après deux ans de Covid-19, le conflit ukrainien scelle encore plus la fin de la "mondialisation heureuse" : solidification des frontières, diffusion de l’inflation, disparition de l’énergie bon marché. Un monde fragmenté, où la seule chose qui nous réunissait encore devra nous séparer : les flux d’argent et d’information ne passent plus entre nations opposées et deviennent mutuellement non convertibles", écrit ainsi le philosophe Jean-Yves Heurtebise dans une tribune publiée dans le Monde.

Si Larry Fink met en avant l’engagement des entreprises à "fonctionner conformément aux valeurs fondamentales", il estime que "le monde subit une transformation". La guerre en Ukraine peut en effet conduire "les entreprises à développer une plus grande partie de leurs opérations onshore ou nearshore entraînant un retrait plus rapide de certains pays". Plusieurs États pourraient bénéficier de ce changement, à l’instar, selon lui, du Mexique, du Brésil, des États-Unis ou des centres de fabrication du Sud-est asiatique. "Alors que les bilans des entreprises et des consommateurs sont solides aujourd'hui, ce qui leur donne plus d'amortis pour faire face à ces difficultés, une réorientation à grande échelle des chaînes d'approvisionnement sera intrinsèquement inflationniste", croit-il. 

Si la pandémie et la guerre en Ukraine portent des coups douloureux à la mondialisation, ces derniers ne signent pas pour autant sa mort, selon plusieurs spécialistes. L’Union européenne par exemple, tente d’assurer sa sécurité énergétique et alimentaire en renouant avec la relocalisation mais il s’agit davantage d’une remise en cause de l’hypermondialisation que d’un réel mouvement de démondialisation. Certains surnomment même cette tendance, la "slowbalisation". 

Marina Fabre Soundron @fabre_marina  


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